Depuis quelques mois, la politique de l'Offre est mise à l'honneur notamment dans les discours de nos hommes politiques. Cette politique s'oppose à la celle de la Demande. Sylvain Fontan, économiste, résume très bien dans son article publié sur Le Cercle Les Echos « Comprendre la politique économique dite de l'offre » ces deux approches différentes : « la politique de la Demande distribue des richesses en s'endettant en espérant que la consommation générée permettra d'enclencher un cercle vertueux de création de richesses ; alors qu'inversement la politique de l'Offre préconise qu'il est nécessaire de produire des richesses dans un premier temps avant d'envisager de distribuer, sous-entendant ainsi que les entreprises sont à la source des créations de richesses ».
Comment les imprimeurs peuvent participer à cette politique ?
Pour essayer d'y répondre, je vous propose les réflexions d'Henri de Bodinat dans son ouvrage « La stratégie de l'offre, la nouvelle entreprise dans la nouvelle économie » édité chez Pearson France. « La crise de 2008, nous dit-il, n'est pas un à-coup furtif dans un système économique destiné à retourner à la normale. Elle signale le début d'une ère nouvelle pour l'Occident développé, un nouveau contexte économique, fondamentalement différent de celui de la deuxième moitié du XXe siècle, une ère de croissance très faible, de chômage structurel, de stagnation de pouvoir d'achat, d'amaigrissement des états ».
« Les entreprises, poursuit-il, vont devoir s'adapter à cette nouvelle donne économique, non pas conjoncturelle mais structurelle. Elles devront changer d'attitude face au marché, porter une attention plus grande à leur offre, ou même développer une véritable stratégie de l'offre. »
Les crises font revenir à l'essentiel. Il est fini le temps où les donneurs d'ordre commandaient sans se préoccuper outre mesure de la justesse de leur chiffre de tirage. Il est fini le temps où les stocks faisaient partis du business. Il est tout simplement fini le temps du gaspillage, mais aussi de la sur qualité…
Trois stratégies gagnantes s'offrent alors aux entreprises nous dit Henri de Bodinat : la domination, la surpromesse ou l'offre.
Bien entendu, toutes les entreprises et de nombreuses imprimeries en particulier, ne font pas le choix parmi ces trois axes. Il y a des imprimeries sans stratégie, et elles sont nombreuses. Elles vivent au jour le jour, motivées uniquement par leur survie.
D'autres encore portent leur choix sur l'une de ces options et empruntent des éléments aux deux autres pour optimiser leurs chances de réussite.
Mais, nous répète Henri de Bodinat, les grandes réussites supposent une priorité donnée à l'un des trois axes : « tout faire pour dominer un marché, en écartant ou en neutralisant les concurrents, tout faire pour appâter le marché, en systématisant la surpromesse, ou tout faire pour satisfaire le marché, en peaufinant une offre répondant parfaitement à un besoin réel ».
Quelle option choisir ?
La domination : l'objectif est de détruire ou d'absorber les concurrents pour dominer un marché. Cette stratégie existe au sein des industries graphiques. Nous connaissons tous des imprimeurs français ou étrangers, surnommés les « print killers », qui n'hésitent pas à casser les prix sur certains marchés en surcapacité dans l'unique but de supprimer les concurrents les plus dangereux.
La surpromesse consiste à faire une promesse au client pour le convaincre d'imprimer chez vous avec un niveau de qualité et de services qui ne sont pas à la hauteur de ce qui a été annoncé. Cette stratégie car il s'agit bien d'une stratégie et non du marketing, est également un angle d'attaque notamment chez certains imprimeurs en ligne.
Enfin, par opposition à la domination ou la surpromesse, les imprimeurs peuvent concentrer leurs efforts et leurs talents sur la production d'une offre parfaitement alignée sur les besoins du marché, annoncée pour ce qu'elle est, reposant sur des priorités ou des arbitrages optimisés dans l'intérêt du client.
Une imprimerie qui suit une stratégie de l'offre dit ce qu'elle fait et fait ce qu'elle dit. Elle satisfait de façon exceptionnelle les besoins dans son domaine d'activité, avec frugalité, sans gaspillage aucun, à un coût qui autorise un prix accessible et raisonnable par rapport à la valeur fournie.
L'offre d'une entreprise ne peut être ramenée à un ou deux éléments simples, mais regroupe un nombre élevé de bénéfices ou de prestations. Imprimer, c'est beaucoup plus que de déposer de l'encre sur du papier. C'est aussi le conseil, l'originalité de la création, le choix du papier, la qualité d'impression, la personnalisation, le format, l'originalité de la finition, le routage, la maîtrise technique de l'ensemble de ces processus.
Mais répondre avec pertinence aux attentes et aux besoins des clients est une tâche complexe. « L'entreprise doit avoir le don d'empathie, se mettre à place du client » nous dit Henri de Bodinat,
Les besoins des clients, que ce soit des agences de communication, des éditeurs, des studios de création ou encore des particuliers, sont d'autant plus difficiles à satisfaire qu'ils évoluent en permanence sous l'impact des mutations sociales, d'évolutions technologiques, de transformations économiques. Hier le message était imprimé, aujourd'hui il est envoyé sous forme numérique et demain, il combinera les deux.
La stratégie de l'offre suppose à la fois une R&D importante, ce qui est peut être nouveau pour certains imprimeurs, une connaissance intime des clients, une grande créativité dans la définition de l'offre, et une capacité supérieure à mettre en œuvre des processus de production efficaces, rappelons que la certification PSO encore trop peu présente au sein des imprimeries.
La grande majorité des imprimeries françaises sont de trop petite taille pour jouer la domination. La surpromesse est peut être rentable à court terme mais cet avantage s'évapore très vite dans le bouche à oreille négatif, voire le procès. Les imprimeries françaises n'ont guère le choix : seule une stratégie de l'offre les fera décoller et rester durablement rentables.