En février, la direction du Monde annonce une réorganisation des services pour adapter le journal au numérique avec notamment, le changement de postes de 57 salariés. Malgré la promesse de la direction que cela n'entrainerai pas de licenciement, le projet suscite immédiatement de vives inquiétudes.
"Un plan social déguisé" affirment les syndicats qui y voient l'opportunité de se séparer des journalistes qui ne veulent pas changer de méthode de travail et ainsi "faire partir les journalistes qui coûtent le plus cher, notamment les seniors".
Mardi 6 mai, le journal Libération révèle que le conflit prend une autre tournure : sept rédacteurs en chef sur onze donnent leur démission.
Dans un courrier adressé à Natalie Nougayrède la directrice, les rédacteurs en chef, François Bougon,Vincent Fagot, Julien Laroche-Joubert, Damien Leloup, Cécile Prieur, Françoise Tovo et Nabil Wakim évoquent "une absence de confiance et de communication avec la direction de la rédaction", et expliquent :"Nous faisons aujourd'hui le constat que nous ne sommes plus en mesure d'assurer les tâches qui nous ont été confiées, et c'est pourquoi nous démissionnons de nos postes respectifs."
Ils précisent cependant qu'ils restent "disponibles pour traiter les affaires courantes jusqu'à la nomination d'une nouvelle équipe".
Ce projet de réorganisation fait suite à la déclaration, en décembre dernier de Pierre Bergé, coactionnaire du groupe. Selon le magazine Challenges, il déclare lors d'un conseil : "La dégradation des comptes n'est pas acceptable" et "le bateau prend l'eau de nouveau, il va falloir écoper".
En 2013, les ventes du Monde ont baissé de 4,44 % par rapport à 2012, d'après les chiffres annuels publiés par l'Organisme de contrôle de la diffusion de la presse (OJD). Et les syndicats affirment que le quotidien a perdu 2 millions d'euros l'an dernier. Mais côté web, Le Monde s'en sort plutôt bien. Médiamétrie le classe parmi le trio de tête des sites d'information français les plus consultés.
Le projet de la direction de basculer une partie de la rédaction sur le numérique semble donc être pertinent. Cette crise contre la réorganisation de la rédaction est certainement la manifestation d'un problème plus latent. Plus qu'"une absence de confiance", un vrai malaise évoqué à demi-mot par les journalistes du Monde qui décrivaient à l'Express en novembre dernier, sous couvert d'anonymat, leur directrice Natalie Nougayrède, comme une femme brillante mais au "management maladroit, voire brutal".