Ce premier article décrit les principaux défis de Vistaprint. Le second à venir très prochainement s'attardera sur les solutions que cette célèbre imprimerie en ligne a trouvées pour y répondre.
Les défis de VistaPrint
En 2008, VistaPrint fut victime de son propre succès. Fondée en 1995 dans un secteur, le marketing direct déjà surchargé par une pléthore de produits imprimés, Vistaprint se différencia dans un premier temps par une offre très attractive pour les consommateurs : envoyer gratuitement des cartes de visite. Les visiteurs du site www.vistaprint.com pouvaient obtenir 250 cartes de visite au prix unique des seuls coûts d'expédition. Même si ces cartes étaient gratuites, elles ne ressemblaient pas cependant à des cartes de visite bon marché. Les clients pouvaient déjà à l'époque les personnaliser en choisissant parmi une gamme de modèles et de logos, et les imprimer sur du papier de haute qualité. Les cartes de visite gratuites ont contribué à faire connaître le nom de la société, avec le slogan « Les cartes de visite sont gratuites sur www.vistaprint.com » imprimé en petits caractères sur le dos de chacune des cartes. En 2oo8 Vistaprint avait imprimé plus de trois milliards de cartes de visite.
Pour maintenir des coûts très bas et offrir ces prestations gratuites, le secret de Vistaprint a été d'utiliser abondamment les nouvelles technologies. Les ingénieurs de l'entreprise ont commencé par modifier les presses afin d'optimiser l'impression des cartes de visite. Ils ont ensuite écrit des programmes pour analyser le flux des commandes entrantes et déterminer la meilleure adéquation pour amalgamer les cartes de visite afin de minimiser la gâche papier. Cette combinaison de matériel et de logiciels a permis à VistaPrint de recevoir un grand nombre de très petites commandes en ligne, de les amalgamer à la volée dans des configurations optimales, et de les imprimer au meilleur coût de production.
Bien entendu, si les clients ne s'étaient arrêtés qu'à l'offre de cartes de visite gratuite, l'aventure de Vistaprint se serait très vite arrêtée. La société est devenue experte dans la pratique du "up-selling", c'est à dire, dans la faculté de persuader les clients à payer un léger supplément pour obtenir un produit qu'ils perçoivent comme supérieur. Pour les cartes de visite, cela peut signifier la possibilité de choisir un papier de meilleure qualité, avec plus de couleurs, ou avec une plus grande liberté dans le choix d'un logo ou d'autres éléments à insérer sur la carte. VistaPrint se rendit très vite compte que les clients sont très souvent prêts à payer des options supplémentaires et les surcoûts en conséquence. En effet, les premières expériences montrèrent que les clients qui avaient l'intention à l'origine de profiter uniquement de l'offre gratuite de cartes de visite se retrouvaient à dépenser 10 $ ou 20 $ pour en obtenir de « plus jolies cartes de visite ». L'autre idée pressentie par Vistaprint était que si les clients étaient satisfaits de leurs commandes initiales, ils reviendraient fréquemment sur le site marchand et achèteraient des produits supplémentaires.
Au fil du temps VistaPrint a étendu sa gamme de produits. De simples cartes de visite, le site de l'entreprise propose à présent de nombreux autres produits différents comme des articles de correspondance, des impressions sur vêtements et accessoires (T-shirts, polos, casquettes, etc.), des articles de fête, des calendriers photo, des cadeaux photos (mugs personnalisés, coques de téléphone, par exemple), des étiquettes et autocollants, des aimants photo, la liste est longue…
Après avoir dans un premier temps ciblé les particuliers, VistaPrint s'est attaqué au marché des « microentreprises » de moins de dix personnes, en leur proposant en plus des opérations d'impression et de diffusion des prestations allant de la conception, mise en forme de supports marketing, en passant par la conception de sites Web professionnels. VistaPrint a grandi rapidement, sans faire aucune acquisition. En 2008, la société enregistrait 400 millions de dollars de revenus et employait quatorze cents personnes à six endroits différents, en Amérique du Nord, dans les Caraïbes et en Europe. Lexington, dans le Massachusetts aux États Unis, abrite l'équipe de direction : le marketing, les ressources humaines, et les fonctions financières et les équipes chargées de l'informatique, les opérations technologiques, et le développement des capacités.
Pour soutenir sa croissance rapide, l'entreprise a dû embaucher de nombreux ingénieurs et des équipes techniques support à Lexington. À l'été 2007, par exemple, VistaPrint a recruté plus de vingt nouveaux ingénieurs logiciels, pour la plupart d'entre eux, des jeunes diplômés. Comme le département comportait déjà une soixantaine d'ingénieurs, les managers se sont préoccupés sur la meilleure façon de les intégrer sans alourdir pour autant la main-d'œuvre existante, et sans mettre en péril tout ce que la société avait déjà construit. VistaPrint avait une large et complexe base de codes (les applications interdépendantes qui soutiennent les opérations de l'entreprise), et il était facile pour un nouvel employé de nuire par inadvertance ou de déstabiliser le système en ne suivant pas les procédures appropriées. Ce que Dan Barrett, directeur de l'ingénierie, résumait en disant, "Nous devons former nos nouveaux employés rapidement afin qu'ils ne se cassent pas notre logiciel."
Idéalement, VistaPrint devrait avoir un ouvrage complet de référence et facile à consulter pour les nouveaux employés, mais une telle ressource prendrait beaucoup trop de temps pour être réalisé. Il pourrait aussi devenir rapidement obsolète, la technologie de la société évoluant très rapidement. VistaPrint avait un disque dur partagé sur lequel les salariés sauvegardaient leur documentation et d'autres travaux de référence, mais la plupart des salariés estimaient que cette sauvegarde était désorganisée et difficile pour effectuer des recherches. Comme dans la plupart des entreprises, les nouveaux employés chez VistaPrint se sont alors formés en observant leurs collègues et en posant beaucoup de questions.
Barrett se demanda alors s'il était possible de faire mieux dans ce domaine. Il était préoccupé par les défis constants que VistaPrint devait affronter non seulement celui concernant les nouvelles embauches, mais également celui des départs de salariés. Les employés qui quittent une entreprise laissent généralement peu de choses, en tout cas dans une forme qui soit facilement exploitable. Cette absence de sauvegarde frappait comme une honte. Barrett se demanda également comment la société pouvait faire un meilleur travail en partageant son savoir accumulé et les bonnes idées développées sur chacun des sites. Il estimait que plusieurs des innovations et des idées de la société n'étaient pas suffisamment partagées; des salariés sur le site de production aux Pays-Bas, par exemple, étaient souvent confrontés à des problèmes que les salariés du site soeur au Canada avaient déjà résolus. Les ingénieurs des deux sites communiquaient entre eux bien sûr, s'envoyaient des e-mails fréquemment, mais Barrett et d'autres avaient l'impression que les gens chez VistaPrint « réinventaient souvent la roue ».
Pour VistaPrint, une entreprise relativement petite dans le monde des industries graphiques, gérer la croissance et former de nouveaux employés étaient devenues des défis majeurs. Comment l'entreprise pouvait-elle capturer sa propre connaissance de l'ingénierie et la livrer à tous les nouveaux employés afin qu'ils puissent devenir plus productifs, et ce le plus rapidement possible? Comment VistaPrint pouvait-elle veiller à ce que cet ensemble de connaissances reste actuel alors même que l'entreprise et son environnement sont en perpétuelle évolution ?
Source : Andrew McAffe (2009), Enterprise 2.0 : New Collaborative Tools for Your Organization's Toughest Challenges, Harvard Buiness Press