Depuis plusieurs jours, l'Union nationale de l'imprimerie et de la communication (Unic) mène un travail de fond contre l'article 46 du projet de loi des finances 2015, qui concerne la suppression des envois à domicile de la propagande des élections régionales et départementales dès l'année prochaine.
Le bien-fondé de cette démarche semble avoir fait mouche et certains arguments avoir troublé plusieurs élus.
″La chaine dématérialisée n'est pas du tout la même que la chaine papier. La chaine du papier est très territoriale, les députés se tirent une balle dans le pied s'ils votaient ça demain″ déclare consterné Pascal Bovéro, délégué général de l'Unic.
Pour le délégué général, un imprimeur est un collaborateur de la fabrique de la démocratie dans une logique de proximité. ″C'est pour ça que c'est important. Et si c'est remplacer le papier pour aller sur le net, c'est du délire, ça va favoriser l'abstention.″
Du point de vue environnemental, les imprimeurs sont, depuis de nombreuses années, très impliqués dans les enjeux environnementaux. Et depuis 2001, ils doivent produire les documents électoraux sur du papier écologiquement vertueux (soit en fibre recyclée, soit labélisé issus de forêts gérées durablement).
Devant les contraintes très lourdes notamment en termes de délai et de cahiers des charges et du gain financier très réduit, beaucoup d'imprimeurs ont abandonné ce marché. ″Mais il en reste encore, ça fait travailler des entreprises moyennes des territoires″ rappelle Pascal Bovéro.
Sur le secteur de la citoyenneté, il y a un aussi grand risque : ″Les grands partis politiques auront tous les moyens pour faire diffuser et porter par Médiapost, des documents qui entreront dans leurs frais de campagne, mais qui ne rentreront pas dans les documents de propagande éligibles au code électoral.
Ils continueront à utiliser les imprimés, parce qu'ils savent que ce n'est pas le net qui va remplacer le papier. C'est une dérive claire : le bruit médiatique l'emportera sur la normalisation des documents qui sont diffusés.
C'est donc aussi la mort des petits partis.″
Il est souvent amené l'argument qu'il ne reste plus que deux pays en Europe qui envoient encore ce type d'imprimés. La France et l'Angleterre. ″L'Angleterre, le pays le plus dématérialisé, a conservé et même valorisé cette approche papier ! C'est intéressant quand même ! Et pourquoi aussi British Telecom est revenue aux factures papier ? Parce qu'ils se sont aperçus que derrière il y avait du bidouillage.″
De plus, sur un domaine aussi sensible que sont des élections, il serait sage de ne pas normaliser un outil qui donne la capacité de surveiller ses utilisateurs. ″Le papier lui assure toujours une espèce d'indépendance de lecture. Vous n'êtes pas algorithmés parce que vous recevez cette information !″
″En fait, cette loi assimile la propagande électorale à un isa, un imprimé sans adresse : c'est considérer que c'est de la pub de la grande distribution alors que c'est de l'information, réglementaire, mettant chaque parti à égalité de traitement et donc chaque citoyen à égalité de réception de message.″