Profitant de l'annonce des résultats du concours de photos de presse World Press Photo (lire ici l'article sur les photos gagnantes), le directeur de la fondation organisatrice, Lars Boering, a déploré l'utilisation exagérée de la retouche des photographies dans le journalisme.
Le jury cette année "a été très déçu", explique Lars Boering.
Les participants à la compétition accédant aux étapes finales étaient tenus de fournir des fichiers enregistrés par l'appareil photo (au général au format raw).
"Il semble que certains photographes ne peuvent pas résister à la tentation de renforcer esthétiquement leurs images au cours de la post-production, soit en retirant de petits détails pour "nettoyer" l'image, soit parfois par une retouche excessive des couleurs qui constitue un changement important de l'image. Ces deux types de retouche compromettent clairement l'intégrité de l'image."
Il poursuit : "Nos règles du concours indiquent en toutes lettres que le contenu de l'image ne doit pas être modifié."
Depuis 2009, une règle du concours précise effectivement que "seules les retouches conformes aux normes de l'industrie actuellement acceptées sont autorisées."
Et la fondation a justement publié en novembre dernier un rapport intitulé "The Integrity of the Image", qui a étudié le consensus appliqué aujourd'hui par la presse à l'échelle internationale.
Ce rapport répertorie les modifications acceptables dans les photos de presse
D'après cette étude, les normes en ce moment en vigueur sont que toutes modifications pouvant tromper les lecteurs ou téléspectateurs sont interdites, ainsi que les ajouts numériques ou suppressions d'éléments.
Cependant les retouches réalisées avec l'outil de duplication d'un logiciel de retouche sont autorisées si elles servent à éliminer les traces de poussière des capteurs de l'appareil photo ou des rayures sur les négatifs.
Le flou des visages ou d'autres formes d'identification (par exemple immatriculations de véhicule) est également admis pour des raisons juridiques.
Toutes les images qui sont modifiées à des fins d'illustration doivent être créditées de la mention ″illustrations photographiques", ou d'un terme similaire.
Les réglages effectués par un logiciel de traitement d'image (par exemple un recadrage léger, la conversion en niveaux de gris, un ajustement des couleurs et du contraste) sont acceptables tant que la modification soit considérée comme ″mineure/normale/subtile/modérée", tandis que "l'usage excessif" n'est pas acceptable.
Ces ajustements mineurs, normaux, subtils ou modérés sont en fait comparés aux pratiques traditionnelles de la chambre noire, ou ne doivent pas violer de la "sincérité émotionnelle" d'une image. Ils sont considérés comme nécessaires afin de permettre une reproduction claire et fidèle.
Les photos ne doivent également pas avoir fait l'objet d'une mise en scène.
Un besoin urgent de mettre les choses au clair
Jusqu'à présent, personne n'avait étudié ce qui était considéré ou non comme des retouches acceptables dans les organismes de médias.
″Il y a clairement un besoin urgent de parler de ce problème," estime Lars Boering.
Au cours des prochains mois, il souhaite mettre la question sur le tapis avec la communauté internationale de photojournalismes.
″Ensemble, nous devons trouver un terrain d'entente sur ces normes et savoir comment elles sont en train d'évoluer. Nous prenons les devants sur cette grande préoccupation pour World Press Photo. Nous voulons garder les normes élevées".
Au vu de ces critères, le jury a rejeté 20 % des photos qui avaient atteint l'avant-dernière manche du concours.
Légende de la photo : La photo de Yongzhi Chu, qui montre l'attitude d'un singe face à son dresseur, a gagné le premier prix dans la catégorie "nature" cette année. La conversion en noir et blanc est une modification acceptée dans le photojournalisme. (Crédit photo : Yongzhi Chu, China)