La tension persiste au sein du journal Charlie Hebdo. Après avoir demandé à la direction un statut d'"actionnaires salariés à parts égales" le 18 avril en conférence de rédaction, une partie des salariés du journal réitèrent leur requête dans une tribune publiée le 1er avril dans le quotidien Le Monde.
Réunis en un collectif, quinze salariés dont l'urgentiste Patrick Pelloux, le dessinateur Luz et le journaliste Laurent Léger, réclament l'abandon du statut d'entreprise commerciale.
Avant le terrible attentat contre l'hebdomadaire qui a fait douze morts, le journal édité à 30 000 exemplaires, était en bord de la faillite.
Depuis, le journal a recueilli près de 30 millions d'euros en dons, aides et ventes et est devenu un symbole très fort de la liberté d'expression.
"Alors comment être à la hauteur de cette charge qui pèse sur nos épaules, nous qui avons failli mourir pour ce journal (...) ? Comment échapper au poison des millions (...) sont tombés dans les poches de Charlie ?" demandent les quinze salariés de Charlie Hedbo, dans la tribune du Monde.
Pour répondre à cette nouvelle situation, ils estiment que le journal doit abandonner le statut d'entreprise commerciale, et recourir à un statut de société coopérative, une idée "discutée en interne depuis des années, et qui se situe dans la droite ligne de l'économie sociale et solidaire que Charlie prône depuis toujours".
Pour eux, "ces incroyables réserves financières" doivent servir seulement "à garantir la pérennité du titre à dix, vingt ou trente ans", grâce à la "consolidation du titre, à l'épuration de ses dettes, à son développement et à sa nécessaire modernisation".
Ils dénoncent "des prises de décision importantes pour le journal, souvent le fait d'avocats, dont les tenants et les aboutissants restent opaques".
"Nous refusons que le journal, devenu une proie tentante, fasse l'objet de manipulations politiques et/ou financières, nous refusons qu'une poignée d'individus en prenne le contrôle, total ou partiel, dans le mépris absolu de ceux qui le fabriquent et de ceux qui le soutiennent".
Lors de la première demande de ce changement de statut, l'avocat de la direction avait déclarait à l'AFP citée par La Tribune être très loin d'une réflexion sur l'actionnariat. Il regrettait cette situation : "Tout cet argent fait plus de mal que de bien. Cela fait penser à ces enterrements où on se bat déjà en revenant du cimetière pour les bijoux de la grand-mère".
"Il n'y a rien contre la direction actuelle, aucun conflit avec qui que ce soit, mais par rapport à ce qui s'est passé, les salariés veulent être davantage acteurs de l'entreprise", avait précisé Patrick Pelloux. Le ton semble donc être monté d'un cran du côté du collectif.
Actuellement Charlie Hebdo est détenu à 40 % par les parents de son ex-directeur de la rédaction, Charb tué dans l'attaque du 7 janvier, à 40 % par le dessinateur Riss, nouveau directeur de la publication, blessé à l'épaule lors de l'attentat, et à 20 % par Éric Portheault, le directeur général.