Depuis 16 mois, les ex-salariés de la papeterie vosgienne de Docelles se battent devant la justice pour redémarrer cette usine sous la forme d'une société coopérative ouvrière de production (Scop).
Mais mardi, le tribunal de commerce d'Épinal a peut-être porté le coup fatal à la détermination des anciens salariés.
Le juge a estimé que le groupe UPM avait tenu ses engagements et n'avait pas à céder l'usine aux membres de la Scop pour une somme symbolique.
"UPM s'est posé en victime, prétendant qu'on voulait le contraindre à une vente forcée de l'usine à un prix qui ne lui convient pas," soupire Nicolas Prévot, l'un des 34 membres encore présents de cette Scop.
Des engagements écrits...
"Or nous souhaitons seulement que les engagements d'UPM écrits noir sur blanc soient tenus.
Ces engagements ont été pris dans le cadre d'un plan social. Il détermine également le nombre de licenciements, le versement des indemnités, le plan d'accompagnement... Une bonne partie a effectivement été réalisée, comme les licenciements... Mais pour la cession, rien n'a été fait."
Dans le plan social qui mena à la fermeture de l'usine en janvier 2014 et au licenciement des 160 salariés, l'UPM indique qu'elle cédera ses actifs pour un prix inférieur à la valeur du marché à une entreprise qui s'engage à reprendre au moins 90 personnes.
Mais aujourd'hui, elle demande 10 millions d'euros. La Scop, elle, est prête à mettre seulement 3 millions.
... Et des accords verbaux
Le montant demandé par l'UPM, tout d'abord, la Scop l'estime bien au-dessus du marché et avance pour preuve qu'aucun repreneur ne s'est présenté depuis que le prix de vente est connu.
De plus, Nicolas Prévot souligne : "Dans les discussions en comité central d'entreprise (CCE) et dans les assemblés générales, le président d'UPM France nous a affirmé que le prix inférieur à la valeur du marché correspondait un prix symbolique.
C'est d'ailleurs écrit dans le compte-rendu de la dernière réunion d'information consultation du CE avant l'exécution du plan de licenciement. Un représentant du personnel a demandé si l'UPM était prêt à céder l'usine, par exemple, au prix d'un euro et le président d'UPM a répondu "oui".
Lors de ce CCE, le président a également affirmé que le prix de cession ne sera pas un blocage à la reprise de l'usine. Or le prix actuel est un blocage."
Une "duperie évidente"
La Scop estime que l'UPM n'était pas de bonne foi et le contrat est donc nul.
"Le juge s'est basé uniquement sur les articles de loi régissant les transactions et il ne s'est pas intéressé au fond, c'est-à-dire que la transaction doit être effectuée de bonne foi."
Nicolas Prévot rappelle : "Nous ne nous sommes jamais opposés au plan social puisque nous voulions reprendre l'usine et la redémarrer pour recréer le même nombre d'emplois, 115 personnes puis petit à petit à l'effectif initial de 160.
Ce n'est qu'une fois les délais pour déposer un recours contre le plan social aient été écoulés que l'UPM a complètement changé de ton et a, d'un seul coup, demandé 10 millions.
Il y a eu une manœuvre de duperie évidente. Ils nous ont rassuré, ont endormi notre méfiance pour finalement nous poignarder."
Pour les anciens salariés, l'UPM n'a en fati jamais eu l'intention de vendre : "La démarche d'UPM répond à une stratégie très simple : la réduction des capacités de production du papier en Europe pour maîtriser le marché. Ils font finalement la même chose que leurs concurrents."
Continuer ou baisser les bras ?
Les ex-salariés se réuniront mercredi 7 octobre, pour décider de la marche à suivre : faire appel ou abandonner.
"Beaucoup de mes collègues sont très abattus et se sentent vraiment abandonnés. C'est difficile de rester motivé dans ce contexte..."