Charles Corlet a commencé avec une entreprise de huit salariés en 1961. Aujourd'hui, le groupe Corlet compte plus de 400 personnes et neuf sites de production dans le Calvados, l'Orne et la Mayenne et se présente comme le quatrième imprimeur français.
Un patron et un homme salué par le ministre de l'Économie
L'illustre patron normand vient de recevoir, le 21 mars 2016, des mains du ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, les insignes de chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur, pour récompenser cette vie professionnelle remplie et l'aide qu'il a toujours essayé d'apporter aux autres.
"Je dédie cette médaille aussi bien à ma famille et à tout l'ensemble de mon personnel, celui qui est à la retraite, celui qui a disparu et les nouveaux qui sont là. C'est un travail d'équipe."
Que le certificat d'études en poche
Il n'a que le certificat d'études quand il commence à travailler dans l'imprimerie de son père à Condé-sur-Noireau du Calvados en Normandie. Il en prend la tête en 1961 à l'âge de 25 ans.
"J'ai tout appris auprès de mes clients. On apprend énormément au contact de tous ces gens de l'édition, des livres, de la presse... c'est une source d'enrichissement personnel pour les autodidactes comme moi."
Le fer de lance du numérique
Charles Corlet oriente l'entreprise vers la production de livres et devient l'un des tout premiers imprimeurs à utiliser la technologie numérique. "J'étais le fer de lance du numérique !"
Il se souvient : "Nous avons été l'un des premiers à passer à la composition froide en 1972, avec les IBM puis les IBM automatiques. Nous avons eu ensuite la première photocomposeuse Compugraphic de France. Ensuite, nous sommes passés à la photocomposeuse Universal. Il y a eu après toute une série de matériels, qui, tous les six mois, étaient modifiés par le fournisseur pour augmenter la vitesse et la qualité de mise en page. Puis nous sommes arrivés à la PAO. Nous travaillions toujours en offset. Mais quand le Repro Center d'Océ est sorti vers 1980, nous avons été l'un des premiers à imprimer des livres en numérique."
Un fax en avance sur son temps
Sa passion pour les nouvelles technologies lui vaut aussi parfois des situations truculentes : "Au Sicob (salon des industries et du commerce de bureau, ndlr) au début des années 70, ils présentaient le fax. J'en achète un, je rentre chez moi... et je me dis : Mais qu'est-ce que je vais en faire ? Je ne connais personne d'autre avec un fax !"
Il a donc offert un appareil à l'un de ses gros clients ce qui leur a permis d'échanger beaucoup plus rapidement les épreuves et les bon-à-tirer.
L'affaire Patrick Henry, un "raté"
Et en plus d'être un chef d'entreprise innovant, Charles Corlet cherche toujours à aider les autres. Il intervient par exemple en tant qu'imprimeur dans les centres pénitenciaires et embauche certains des condamnés à leurs sorties de détention. Il engage notamment, en 2001, un certain Patrick Henry, meurtrier d'enfant, qui retournera en prison pour possession de drogues un an après sa libération. "Un gros raté" qui "fait partie de la vie", résume-t-il.
La relève assurée
Depuis 13 ans, le groupe Corlet est aux mains de son fils Jean-Luc Corlet et réalise 50 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont 40 % dans les livres.
Charles Corlet dirige à plein temps sa maison d'édition, les Éditions Charles Corlet, fondée en 1972. Il cédera le 31 mars cette entreprise à ses collaborateurs de Gilles Nadin et John Linquist, pour un euro symbolique. "Je n'ai pas vouloir vendre les éditions parce que c'est trop difficile de gérer une maison d'édition. Ce qui m'intéresse, c'est qu'ils aient du travail, qu'ils créent de l'emploi. L'argent ne m'intéresse pas," explique-t-il.
La retraite ? Deux livres en préparation et un musée à gérer
Mais cela ne signifie pas pour autant qu'il arrête de travailler. Il a deux livres à écrire avant la fin de l'année, l'un sur le travail de réinsertion et l'autre sur sa vie. "Mais je suis déjà sollicité : nous avons un musée qui fonctionne bien, le Musée de la typographie à Corlet numérique. Je vais sûrement les aider."
Il poursuit : "Je vais rester plonger dans mon métier. De toue façon, c'est mon ordonnance ! Mon médecin m'interdit d'arrêter !"