Gérard Autajon s'est toujours tenu à distance des médias, ayant pour principe de ne jamais parler aux journalistes. Mais depuis quelques jours, son nom fait la une des journaux en France, avec ceux de quelques autres, dans le cadre du scandale des Panama Papers.
Cet industriel, classé à la 401e place des grandes fortunes de France du magazine Challenges avec une fortune estimée à 130 millions d'euros, à la tête du groupe Autajon spécialisé dans l'emballage carton, est suspecté d'avoir caché près de 24 millions au fisc par le biais de sociétés offshores implantées dans des paradis fiscaux.
Selon les journalistes de Cash Investigation, dont le numéro du 5 avril diffusé sur France2 était consacré aux Panama Papers, l'histoire de cette évasion fiscale remonte à 2013, en pleine affaire Cahuzac. Gérard Autajon transfère alors 24 millions d'une banque suisse sur des comptes offshores installés dans des paradis fiscaux.
À l'époque où l'entrepreneur organise cette évasion, le groupe Autajon est en pleine expansion. Il se développe à l'étranger et rachète des usines. En 2004, le groupe Autajon réalisait un chiffre d'affaires de 120 millions d'euros et employait 1100 salariés. Aujourd'hui, il enregistre un chiffre d'affaires de 550 millions d'euros, soit une croissance de 400 % avec plus de 4 000 salariés et 32 usines de fabrication en Europe et aux États-Unis.
Fermeture de Bopack pour manque de rentabilité
C'est à la même période, à quelques mois près, que le groupe Autajon ferme l'une de ses usines installées dans la Sarthe, l'imprimerie Bopack France Étiquettes, invoquant des difficultés économiques. Cette fermeture provoque la colère des 37 salariés de l'usine qui entament plusieurs semaines de grève. Principaux motifs de contestation : des propositions de reclassement jugées inadaptées et des indemnisations insuffisantes.
L'usine Bopack, fabricant d'étiquettes implanté depuis quarante ans à Bazouges-sur-le-Loir, vendait sa production localement et à des groupes de l'industrie agroalimentaire et pharmaceutique. Avant la lente dégradation économique de l'usine suivie de sa fermeture, l'activité battait son plein sur le site, qui fonctionnait en trois-huit.
Mais le problème intéresse alors peu les politiques, à part un élu écologiste au Sénat, Jean Desessard. Ce dernier interroge le ministre du redressement productif de l'époque Arnaud Montebourg, dans une question orale publiée dans le JO Sénat du 19 juillet 2012, sur l'avenir de l'entreprise Bopack "dont les salariés devraient être licenciés prochainement alors que le groupe Autajon est bénéficiaire."
La conclusion de cet élu écologiste est la suivante : "Il est difficile de ne pas penser que la lente dégradation économique due à des locations abusives de machines non utilisées a été organisée par le groupe Autajon afin de provoquer la faillite de Bopack, qui était, avant son rachat, un concurrent des autres entreprises du groupe. Il s'agit certainement d'une manipulation ayant consisté à racheter une entreprise florissante pour la condamner afin que les autres entreprises du groupe conservent leur place sur le marché." (Publiée dans le JO Sénat du 25/07/2012 - page 2331).
C'est en 2009 que le Groupe Autajon, acteur majeur dans l'étui carton, le coffret et l'étiquette, finalise le rachat du Groupe Bopack, spécialiste de l'étiquette adhésive et du manchon. "Une opportunité inespérée, la continuité du projet de croissance déjà entamé, la meilleure garantie pour l'avenir des salariés", assurait alors la direction.
Interrogé par les journalistes de Cash Investigation, Georges Pipet, un ex-salarié de l'usine Bopack, exprime son désarroi lorsqu'il apprend que Gérard Autajon est suspecté d'avoir dissimulé plus de 20 millions d'euros au fisc : "On n'est pas dans le même monde (…) Le monde de la finance et le monde des travailleurs, c'est un monde différent".
Une dizaine d'anciens salariés aux prud'hommes
À l'heure actuelle, une dizaine d'anciens salariés de Bopack contestent encore leur licenciement pour raisons économiques et ont saisi les prud'hommes. S'ils n'ont pas obtenu gain de cause en première instance, ils ont décidé de faire appel. Une nouvelle décision des prud'hommes est attendue d'ici le mois d'octobre.