Les syndicats d'éditeurs de presse font part de leur inquiétude vis-à-vis d'une proposition de loi en discussion à l'Assemblée nationale le 12 janvier prochain. Celle-ci constitue selon les syndicats une menace à l'équilibre de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
La question soulevée par ce projet de loi porte sur les obstacles rencontrés par les victimes d'injures et de diffamation sur internet lorsqu'elles souhaitent engager des poursuites.
Tout d'abord ; en ce qui concerne la prescription, qui est de trois mois pour les délits de presse, selon la loi de 1881. Si cette prescription s'adaptait à la presse papier où l'information a une durée de vie plus courte, en revanche sur internet, l'information peut circuler pour un temps indéfini.
La question qui se pose donc est de savoir comment adapter une loi conçue pour le support papier aux propos tenus sur internet. Sur cette notion de prescription, le projet de loi vise à repousser, uniquement pour le support numérique, le délai de prescription au jour où cesse la mise à disposition du public le contenu mis en cause.
Pour les syndicats, cette disposition crée une discrimination entre presse imprimée et numérique en supprimant la prescription sur internet, puisqu'une publication en ligne a vocation à rester accessible sans limites de temps.
Une autre des réponses apportées par le projet de loi est d'élargir la compétence du juge civil en lui permettant de requalifier un délit de presse. Jusqu'à présent, la loi de 1881 protège le journaliste. Si ce dernier a commis un abus, il risque une amende, de la prison (avec sursis la plupart du temps) ou des dommages et intérêts généralement symboliques.
Le projet de loi prévoit d'instaurer deux régimes distincts ; l'un pour les journalistes professionnels, qui continueraient à bénéficier de la loi de 1881, et l'autre pour les non-professionnels, soumis au droit commun de la responsabilité.
Si les poursuites devenaient possibles sur le plan civil, la personne poursuivie pourrait donc se voir condamner à des peines beaucoup plus lourdes. Par exemple, une société dont on aurait révélé à tort une manipulation des cours de Bourse pourrait réclamer des millions d'euros.
"Pourraient être attaqués tous les propos ou articles estimés négatifs ou péjoratifs qui ne constitueraient pas une infraction à la loi sur la presse", s'inquiètent les organisations professionnelles de la presse.
Les syndicats demandent qu'aucune évolution de la loi de 1881 ne soit décidée sans une concertation préalable avec les parties prenantes.