La dernière étude d'audience One Global révèle un basculement attendu et redouté : pour la première fois cette année, la presse a été davantage lue sous format numérique que sur papier.
Les lectures numériques dépassent les lectures papier (53 % contre 47 %). Quant à la part des lectures sur mobile, elle est désormais égale à celle des lectures sur ordinateurs (40 % des lectures numériques sont faites sur ordinateur, 41 % sur smartphone, 19 % sur tablette).
Une temporalité différente entre la lecture papier et écran
Ces chiffres ne traduisent pas pour autant un abandon de l'imprimé. En témoigne le nombre croissant de pures players qui lancent une déclinaison imprimée, d'une part pour gagner en crédibilité, d'autre part pour approfondir leur contenu.
Avec succès. La Revue du crieur de Mediapart, qui revendique une approche plus analytique des sujets, s'écoule à près de 9 000 exemplaires tous les quatre mois.
Contrairement aux ratés des années 2000 — les déclinaisons print de Rue 89 et Bakchich vendues en kiosque n'avaient pas duré deux ans faute de lecteurs — certains sites web privilégient aujourd'hui la vente en librairie et s'inspire du succès de revues haut de gamme comme XXI.
Des sites d'informations signent des partenariats avec des éditeurs pour diffuser du contenu journalistique sous forme d'ouvrage. Du contenu à un tarif plus élevé que les magazines et qui atteint un nouveau public.
Autre pure player à faire son coming out papier : le site NextInpact, spécialisé dans l'actu du numérique, qui publie une revue papier pour fêter les 15 ans du titre. Une revue qui pourrait devenir récurrente si le succès est au rendez-vous. Le désir est en tout cas présent.
NextInpact explique :
"Nous savons que nos lecteurs ne sont pas seulement appétents à l'information quantitative, et ne vivent pas qu'à travers le numérique. Nombre d'entre vous nous ont déjà expliqué ou prouvé qu'ils aimaient l'objet papier, sa matérialité et sa temporalité différente. Dès lors, pourquoi ne pas y faire vivre notre média ? Car si nous publions chaque jour des analyses, de plus en plus d'enquêtes ou de dossiers au long cours, ils se perdent parfois dans les méandres du web."
Des lecteurs plus attentifs sur papier
La lecture sur papier et sur écran n'est pas la même. L'attention est différente. D'après une étude américaine menée par Naomi Baron, professeur de linguistique à l'Université de Washington, la majorité des jeunes étudiants préfèreraient étudier sur papier.
92 % des étudiants interrogés préfèrent le papier pour leurs lectures "sérieuses" plutôt que les écrans (ordinateurs, tablettes, téléphones). La lecture sur écran est en revanche plébiscitée par les étudiants lorsqu'il s'agit de lectures plus simples comme les articles de presse, qui sont interactifs et comportent une grande partie visuelle.
Selon un principe théorisé par Jakob Nielsen, spécialiste de l'ergonomie et du webdesign des sites web, la lecture sur écran suit un schéma en F.
Le lecteur lit le premier paragraphe attentivement, le deuxième plus rapidement, et perd ensuite l'attention. Il scanne alors la page à la recherche de contenus qui vont relancer son attention, attirer son œil. Il va alors relire un peu plus attentivement. Puis il va scanner jusqu'à la fin de la page. Au final, les regards cumulés sur la page forment une sorte de F.
Suivant cette analyse, le papier reste incontestablement le meilleur support pour offrir une lecture rigoureuse, attentive et approfondie de l'information. Loin de s'opposer, le print et le digital se complètent : la lecture longue sur papier venant enrichir l'immédiateté du web.