Entreprise familiale centenaire, Le Crestois est à la fois un journal et une imprimerie. Totalement indépendant, le journal est financé uniquement par la publicité et les ventes papier. Mais la baisse des ventes qui touche la presse dans son ensemble met l'entreprise en péril. Jean-Baptise Bourde, gérant de la boite et arrière-arrière-petit-fils du fondateur, nous en dit plus.
Graphiline — Comment sont nés le journal et l'imprimerie ?
Jean-Baptiste Bourde — C'est mon arrière-arrière-grand-père, Joseph Bruyère, qui a fondé le journal en 1900.
C'est le journal qui a mené à l'imprimerie ou l'inverse ?
C'est le journal qui a mené à l'imprimerie. Mon arrière-arrière-grand-père distillait de l'alcool, il était liquoriste. Lors de la séparation de l'église et de l'État au début du siècle dernier, il y avait beaucoup d'inquiétudes, notamment de la part de la droite catholique. De nombreux titres de presse ont vu le jour à ce moment-là.
Mon arrière-arrière-grand-père a créé le Crestois à cette époque. Au début le journal était écrit ici, mais imprimé en Ardèche. Deux ou trois ans plus tard, l'activité d'impression a été installée sur le site du journal. Parallèlement, Joseph Bruyère continuait son activité de liquoriste.
Le bâtiment avant la naissance de l'imprimerie.
L'entreprise a ensuite été transmise de génération en génération ?
Oui, mais souvent par les branches féminines de la famille ce qui explique que nous n'ayons pas le même patronyme. Je suis la cinquième génération.
Depuis combien de temps dirigez-vous l'entreprise ?
Je suis dans la boutique depuis 2006, mais j'ai repris la gérance à la suite du décès de mon père en 2009.
Vous imprimez donc le journal, mais est-ce que vous avez une autre activité d'impression à côté ?
Nous avons aussi une activité d'imprimerie de labeur traditionnelle. Le chiffre d'affaires est réparti à peu près à 50/50 entre les deux activités. L'impression du journal, ça représente pour nous deux petits jours de travail. Les trois jours restants sont consacrés à nos autres clients.
Comment êtes-vous équipés ?
Nous avons une presse offset Heidelberg SM 74 sur laquelle nous imprimons le journal, couplée à un CTP Kodak, deux presses numériques Konica Minolta, deux traceurs et tout le matériel de façonnage. En dehors de l'impression du Crestois, nous imprimons toutes sortes de travaux jusqu'à 5 000 ou 10 000 exemplaires. Mais notre cœur de métier se situe plutôt entre 1 000 et 2 000.
Comment fabriquez-vous le contenu du journal ?
Toute la partie rédaction est intégrée dans les murs de l'entreprise, mais à l'étage, alors que l'imprimerie est au rez-de-chaussée. L'équipe journal est à plein temps sur le journal. Les deux métiers, imprimerie/journal sont bien séparés.
Quel est le tirage de l'hebdomadaire ?
On tire à 4 000 exemplaires. Il y a 30 ans on en vendait 5 000. L'érosion est de l'ordre de quelques pour cent chaque année, mais ça finit pas faire beaucoup. Ce qui coûte cher dans l'édition c'est le premier exemplaire, l'écriture, la mise en page, le calage des machines…. Après il ne reste que le coût du papier.
Et le problème aujourd'hui c'est que nous sommes moins achetés, mais toujours aussi lus. On voit le journal sur les tables de café ou à la médiathèque, mais les gens l'achètent moins. Or seul l'acte d'achat nous permettra d'être encore là dans 10 ou 20 ans.
Vous avez un site internet ?
Oui nous avons un site avec des brèves, nous faisons une newsletter pour annoncer la sortie du journal et pour proposer des abonnements en ligne, mains nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un site internet comme peuvent l'avoir les grandes rédactions. Parce que le nombre de personnes susceptible d'être intéressé à notre journal local ne dépasse pas les 20 000. C'est donc uniquement la version papier qui permet de faire vivre le journal.
Combien êtes-vous dans l'entreprise ?
On est aujourd'hui 12 salariés, dont environ la moitié travaille pour le journal.
Le rédacteur en chef du journal a rédigé un édito la semaine dernière disant que la vie du journal comme de l'imprimerie est menacée. Si vous deviez arrêter le journal seriez-vous obligé de fermer boutique ?
L'impression du journal représente la moitié de son chiffre d'affaires. Donc sans journal, on ne pourrait pas continuer à tourner dans les mêmes conditions ; on passerait peut-être de 12 à 4 salariés.
Y a-t-il un seuil critique en terme de diffusion ?
Je ne peux pas dire précisément, mais je pense qui si l'on approche des 2 000 exemplaires ça n'ira plus très bien. La raison de cet édito est d'anticiper les choses et d'expliquer par exemple aux associations pourquoi on ne peut pas faire d'annonces gratuitement, ou alors vraiment exceptionnellement.
Quel est votre chiffre d'affaires ?
On est à un petit peu moins de 800 000. Il y a sept ou huit ans, on était à 1,1 million. La baisse est globale dans toute l'activité d'impression. En 2010, nous étions encore 20 salariés, nous ne sommes plus que 12. Dans l'imprimerie, ce sont les volumes et les marges qui se sont effondrés donc on travaille toujours autant, mais pour moins cher.
Quand Le Crestois se lisait dans les tranchées.