Une enquête préliminaire contre le fabricant d'imprimantes Epson a été ouverte en novembre par le parquet de Nanterre pour "obsolescence programmée" et "tromperie". Cette décision fait suite à une plainte contre X déposée en septembre par l'association de défense des consommateurs Halte à l'obsolescence programmée (Hop), fondée en 2015. Elle concerne les imprimantes jet d'encre personnelles et semi-professionnelles du fabricant japonais.
Cette plainte concerne deux points techniques : le blocage des cartouches d'encres encore utilisables et le tampon absorbeur d'encre faussement indiqués en fin de vie.
Des cartouches d'encre pas si vides
Selon Hop, les cartouches d'encre d'Epon sont déclarées hors service alors qu'elles contiennent encore de l'encre (jusqu'à 50 % de leur capacité).
"Nous avons alors découpé une cartouche jaune neuve (à gauche) et la cartouche jaune déclarée vide (à droite) pour les comparer", indique Hop dans sa plainte.
"D'une part, on peut constater que la cartouche neuve ne contient de l'encre que dans les deux cavités centrales. Environ deux tiers de la cartouche neuve est vide (partie inférieure, supérieure et latérale droit). Cette pratique est trompeuse car un acheteur pourrait penser que la cartouche est entièrement remplie d'encre contrairement à la réalité.
D'autre part, il reste bien de l'encre dans la cartouche usagée de droite contrairement à ce qui est indiqué par l'imprimante."
Elle cite également dans son rapport : "Suivant un test mené par un bureau d'étude en 2015, le Seattle Bellevue Fine Art, il resterait près de 20 % d'encre dans les cartouches de l'imprimante Epson 9900. Le bureau d'étude aurait interrogé à plusieurs reprises Epson à ce sujet sans réponse".
Des reprogrammateurs de puces permettent d'ailleurs d'utiliser une cartouche affichée vide.
Epson reconnaît qu'il reste de l'encre dans les cartouches vides. Mais Hop estime que cela ne justifie pas ces proportions aussi importantes.
Un tampon encreur pas si fragile
Hop met également en cause le tampon absorbeur de l'imprimante, dont le rôle est d'absorber l'excédent d'encre de chaque impression et lors du nettoyage des têtes, qui bloque l'utilisation de la machine d'impression lorsqu'il est jugé en fin de vie.
Epson indique : "L'imprimante est conçue de telle manière qu'elle cesse de fonctionner au moment où une utilisation prolongée des tampons d'encre pourrait entraîner un risque de détériorations matérielles liées à des débordements d'encre ou des problèmes de sécurité générés par l'excès d'encre entrant en contact avec un composant électrique."
Mais l'imprimante ne prendrait pas en compte le taux de remplissage du tampon, mais le nombre de fois où il a été sollicité. L'utilisation de logiciels libres permet de contourner ce blocage, ce qui prouverait que l'imprimante peut fonctionner sans problème.
"Pour cause : le tampon absorbeur est difficilement usable puisque la quantité d'encre qu'il absorbe à chaque impression est minuscule ; les imprimantes récentes n'en rejettent quasiment plus ; et en tout état de cause l'encre a le temps de sécher sur l'éponge d'ici la nouvelle impression", souligne Hop.
La loi contre l'obsolescence programmée encore toute neuve
Si ces pratiques sont avérées, elles pourraient être qualifiées d'obsolescence programmée reconnue comme un délit depuis la loi Transition énergétique de juillet 2015. L'article L. 441-2 du Code de la consommation indique qu'"est interdite la pratique de l'obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d'un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement".
Punie d'une amende jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires
Le délit d'obsolescence programmée est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 300 000 euros qui pourra être portée jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires.
C'est la première action judiciaire française sur le fondement du délit d'obsolescence programmée.
Plus largement, l'association dénonce l'augmentation continue du prix des cartouches (qui atteint 2062 euros le litre d'encre soit deux fois le prix du parfum Chanel 5) et la volonté des fabricants de faire obstacle à l'utilisation des cartouches génériques.