Les imprimeurs ont joué un rôle clé dans le référendum sur l'indépendance de la Catalogne. Niall O'Gallagher, un journaliste de la BBC, a mené l'enquête sur les conditions qui ont rendu possible ce vote.
Un vote organisé dans l'illégalité
En septembre 2017, le gouvernement régional catalan préparait le référendum sur l'indépendance de la Catalogne.
Malgré l'interdiction de ce référendum par le Tribunal constitutionnel espagnol, les électeurs catalans allaient bientôt être invités à répondre à cette question : "voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d'une république ?"
Mais dans ce contexte d'illégalité, une des problématiques du pouvoir catalan était de réussir à imprimer des bulletins de vote sans qu'ils soient saisis par les autorités espagnoles.
Le 15 septembre, à deux semaines du référendum, la "Guardià civil" saisissait 100 000 affiches dans une imprimerie barcelonaise. Les affiches de propagande du référendum avaient été trouvées suite à des signalements anonymes.
Avec la forte présence policière et le contrôle du pouvoir central sur les finances de la région, le vote n'aurait jamais dû avoir lieu…
C'était sans compter sur l'aide d'une équipe de "résistants" issus d'une petite commune française.
La ville d'Elne, en France, se situe à 200km de Barcelone.
À Elne, une imprimerie ouvre la nuit pour imprimer les derniers bulletins de vote
L'enquête du journaliste britannique l'a en effet mené jusqu'à Elne, dans les Pyrénées-Orientales. Son premier contact sur place, Maria (un nom d'emprunt), explique le contexte :
"Vingt-quatre heures avant le référendum", a-t-elle confié au journaliste, "il y a eu une descente dans une imprimerie du sud. Quelqu'un m'a appelé pour me dire qu'il n'y avait plus assez de bulletins pour le vote. Nous avons donc trouvé une imprimerie à Elne qui a ouvert au milieu de la nuit pour imprimer des bulletins. Ils ont traversé la frontière juste à temps."
Parmi les personnes rencontrées par Niall O'Gallagher, il y a un certain Jaume, un homme à "la barbe blanche et pointue". C'est lui qui a traversé la frontière avec les bulletins dans un camion.
"Je n'avais pas peur. Tout ce que j'ai fait, c'est transporter du papier - et pour autant que je sache - le transport de papier d'un État européen à un autre n'est pas un crime."
Alors que les bulletins de vote étaient imprimés à Elne, des urnes ont voyagé de la Chine jusqu'à l'Espagne en passant par la campagne franco-catalane. Une histoire digne d'un roman d'espionnage !
Rappelons qu'au terme de cette élection, le "Oui" à l'indépendance de la Catalogne a obtenu 90 % des voix. Mais c'est surtout la répression policière qui a marqué la journée avec une centaine de blessés, dont plusieurs grièvement.