La mise en redressement en janvier du papetier Arjowiggins puis deux mois plus tard, la liquidation de l'usine Arjowiggins de Bessé-sur-Braye et les cessions d'Arjowiggins Le Bourray et Arjowiggins Greenfield, ont profondément marqué les esprits. Le directeur d'un grand groupe d'imprimeries françaises nous fait part de ses réflexions et de la leçon qu'il retient de ces événements.
GraphiLine : Quel regard portez-vous sur la fermeture et les cessions des trois papeteries d'Arjowiggins Graphic ?
Dirigeant : Nous sommes dans un monde où tout bouge : la papeterie de Bessé-sur-Braye était un modèle du genre, inscrite au CAC 40 il y a 30 ans, et aujourd'hui elle disparaît !
Il y a certainement des explications - je pense que chacun a essayé de bien faire - mais il est impossible d'imaginer que ce soit par fatalisme que l'on soit arrivé là ! On ne peut pas dire : c'est normal. Non. Ce n'est pas normal.
La norme, c'est de faire qu'une entreprise et, quel que soient les conditions de marché, cherche à s'adapter sans cesse. Et si elle ne trouve pas les solutions pour s'adapter, elle doit imaginer des apurements, des cessions par appartement ou autres. La flexibilité, l'adaptation, préparer les salariés à diverses solutions sont salutaires et indispensables.
Mais un groupe qui passe, presque du jour au lendemain, d'une certaine forme de notoriété, d'image de société inébranlable à une mise en liquidation, c'est… c'est grave !
Ce n'est pas bon signe pour le métier de manager, ce n'est pas bon signe pour le métier de papetier, ce n'est pas bon signe pour toute l'industrie graphique.
C'était donc évitable ?
Je ne sais pas si c'était évitable (c'est toujours facile de commenter quand on est dans les tribunes). Néanmoins, un résultat comme celui-ci, comme son nom l'indique, résulte de ce qui a été fait et de ce qui n'a pas été fait. Ce n'est pas par simple adversité.
Est-ce que cela vous rappelle, en tant que dirigeant d'entreprise, qu'il faut rester sur le qui-vive, vigilant ?
Il faut rester hyper vigilant ! Cela montre que les situations de leadership, si marginales soient-elles, sont hyper fragiles.
On a beau être gros, on a beau avoir une image qui laisse à penser que tout ira bien : non ! Une entreprise est un organisme vivant, et chaque jour, on doit trouver à repousser le plus longtemps possible l'échéance de la mort. La leçon de la vie, ce n'est pas de trouver des recettes miracles et être immortel, car personne n'est immortel.
Quand on ne fait pas ce que nécessite le fait de vivre dans des conditions de plus en plus difficiles, on disparaît…
C'est s'adapter ou disparaître. C'est la leçon.