L'attestation de sortie fait partie des documents importants de la vie quotidienne en cette période de confinement. Purement procédural à première vue, ce papier cache bien son jeu : sa police d'écriture recèle une histoire graphique riche que le graphiste Valentin Socha dévoile dans une courte vidéo instructive.
"Il me semblait assez intéressant de partir d'un support assez terne et bureaucratique comme peut l'être un formulaire administratif pour en faire ressortir une histoire qui remonte à l'Antiquité, avec des enjeux politiques", explique le graphiste, responsable de l'atelier parisien de conception collaboratif LabBoîte.
Marianne, la police de caractères du gouvernement
En fait, l'attestation de sortie est l'un des tout premiers documents officiels à utiliser la nouvelle police de caractères de l'État. Depuis le 10 février 2020, la France a en effet une vraie identité visuelle, complète et harmonisée, comprenant les règles de composition graphique, son bloc-marque, la devise de la République française, les codes couleurs et sa police de caractères.
L'attestation de sortie - comme les consignes sanitaires du gouvernement français - permet de se familiariser avec cette police d'écriture : Marianne.
Des lettres inspirées de l'Histoire de France
Dans sa vidéo de 3 min 43 intitulée Le Marianne, une typographie d'État, Valentin Socha analyse ce caractère dessiné par le typographe Mathieu Réguer.
On y apprend que les lettres majuscules sont basées sur les capitales monumentales appelées aussi capitales romaines qui étaient gravées sur les frontaux des monuments romains de l'Antiquité.
Quant aux lettres minuscules, Mathieu Réguer s'est inspiré de la police Garamond du graveur Claude Garamont du XVIe siècle. "L'empreinte de Garamond dans notre patrimoine est considérable tant ses créations ont contribué au rayonnement de la littérature française dans le monde entier. Son utilisation dans les ouvrages de la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade en est l'un des meilleurs exemples."
Derrière une typographie, un enjeu politique
Puis Valentin Socha se penche sur les raisons de cette nouvelle identité visuelle et les enjeux politiques.
Il nous confie : "Au-delà des références historiques convoquées qui faisaient écho en moi, les enjeux autour d'une typographie d'État m'intéressaient beaucoup. Déjà par les répercussions du projet qui concerne tout de même des millions de citoyens, mais aussi par sa dimension hautement politique, assez rare sur un projet de design graphique."
Selon lui, "dans le contexte post Gilets Jaunes, l'État a compris qu'il devait rendre plus lisible ses services et son action pour les citoyens ; le choix d'un nouveau caractère va aussi dans ce sens et je voulais interroger sur le rôle social qu'on fait porter à la typographie."
"Sans aller jusqu'à exagérer le rôle du design (typo)graphique, c'est tout de même une lourde responsabilité et un enjeu assez important !" remarque-t-il.