Décision politique, calendrier fâcheux... Pour Léonce-Antoine Deprez, directeur général de l'imprimerie rotativiste Léonce Deprez située à Ruitz dans le Pas-de-Calais, les raisons sont nombreuses, mais le constat est là : la filière papier n'a pas tiré parti de cette situation de confinement pourtant à son avantage.
"Nous avions l'occasion de développer de la presse papier en cette période exceptionnelle de confinement... C'est manqué, l'industrie est en train de rater un moment de la diffusion de la presse en France.
C'est en ce moment que les Français ont besoin de lire de la presse papier. 85 % des kiosques sont ouverts. J'ai questionné quelques maisons de la presse et toutes m'ont dit que le panier moyen avait augmenté. Pendant le confinement, les gens en ont marre du digital et des écrans. La presse d'information est primordiale surtout à l'heure des fake news. C'est le moment de vendre du papier, de la vraie information !
Dans la profession, tous les imprimeurs ont pris des mesures sanitaires pour continuer à rouler. Il est possible de travailler tout en évitant la propagation du virus. Nous, nous n'avons jamais arrêté d'imprimer (aujourd'hui à 30 % de l'activité normale, NDLR). Un mois avant le confinement, nous avions déjà pris des règles sanitaires en interne. Et nous n'avons aucun malade.
Pourtant, beaucoup d'éditeurs ont arrêté leurs parutions. C'est dommage, ils ratent une occasion d'exister. Ceux qui continuent vont sortir grandir de la crise : ils vont rester dans l'inconscient collectif comme des titres qui sont restés présents pendant cette crise.
Il faut dire aussi que certains éditeurs ont peur de la situation de Presstalis. Au moment où on avait besoin de compter sur Presstalis pour vendre la presse magazine, il dépose le bilan ! C'était le pire moment. Oui, il continue à distribuer en ce moment (le dépôt de bilan prévu fin mars a été repoussé à fin avril), mais si le ministre de la Culture a fait des annonces sur le paiement, Presstalis va toujours déposer le bilan. Il n'y a aucune garantie.
Ce qui est terrible également, c'est que tous les marchés publics ont annulé leurs parutions. Tous ! Pourtant, les mairies et autres établissements publics devraient communiquer plus en ce moment, pour expliquer ce qu'ils font pour aider les citoyens !
Et c'est aussi un non-sens que les librairies ne puissent pas ouvrir. Elles sont en train de se faire ramasser par Amazon ! Il était tout à fait possible de laisser ouvertes les librairies en France, d'ailleurs Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des Finances, l'avait autorisé. C'est dommage.
La filière papier dans son ensemble est en train de rater un moment de l'Histoire."