« Il y a la mémoire gestuelle », explique Christian Davron de l'association Les Amis de Gutenberg. Lors des visites du musée-atelier de l'imprimerie de Charmont-sous-Barbuise dans l'Aube (10), on découvre le monde de l'imprimerie et son histoire, et notamment celle de la méthode Freinet.
Au début du 20e siècle, Célestin Frenet était instituteur dans le village de Bar-sur-Loup, près de Grasse. Constatant que les enfants avaient plus ou moins de mal pour l'apprentissage, il mit au point une méthode d'assimilation par les gestes, grâce à l'impression typographique.
« Les enfants composaient leurs lettres et leurs phrases. Avec un composteur par ligne ils faisaient des textes et imprimaient ensuite leurs revues sur de petites presses de l'époque », explique Christian Davron. Les enfants dès cinq ans imprimaient leurs rédactions, leurs devoirs, ou encore leurs impressions après une promenade.

Musée de Charmont dans L'Aube.
Dans un article intitulé « L'éducation par la typographie » paru dans le journal L'Eclaireur de Nice et du Sud-Est le 6 juillet 1926, Célestin Frenet explique au journaliste venu l'interroger l'origine de sa démarche.
« J'emmène volontiers mes gosses en promenade, nous observons ensemble les gens et les choses que nous rencontrons en route ; puis, une fois rentrés à l'école, il faut cristalliser ces impressions successives sous la forme d'une rédaction. Autrefois, nous écrivions notre histoire au tableau noir. Évidemment, cela apprenait aux enfants l'écriture manuscrite, mais ne laissait dans leur petit cerveau aucune trace réellement forte et durable. »
L'idée de Frenet est donc de passer du tableau noir à l'impression. Et d'après son témoignage, le résultat est stupéfiant !
« C'est à ne pas y croire ! Les plus jeunes, ceux de cinq ans, s'y mettent avec autant de facilité que leurs aînés. En très peu de temps, ils se débrouillent avec une aisance stupéfiante. Et maintenant, n'allez pas vous imaginer que leurs travaux d'impression les dégoûtent ou les détournent de l'enseignement ordinaire. Au contraire, ils me demandent eux-mêmes à travailler leur calcul, leur histoire. »
L'histoire se passe en 1926. Célestin Frenet est alors un jeune instituteur de vingt-neuf ans, mutilé de guerre, qui mène ses premières expériences éducatives. Quelques années plus tard, il deviendra un pédagogue mondialement connu dont les méthodes se perpétuent encore aujourd'hui.
