Malgré cinq sièges de sociétés et 17 sites industriels dans l'Hexagone, Mutares est un acteur discret dans le paysage industriel français. Le groupe allemand basé à Munich - qui a racheté début juin la chaîne de magasins de bricolage Lapeyre à Saint-Gobain - possède plusieurs entreprises dans le secteur du papier carton, dont, depuis le 1er mai dernier, la papeterie La Rochette, située à la Valgelon-La Rochette en Savoie.
Nous avons demandé à Pierre-Yves Guégan, le nouveau président de l'usine à papier qui se nomme désormais La Rochette Cartonboard, de nous expliquer qui est le groupe Mutares.
GraphiLine : Mutares se présente comme une holding d'investissement. Qu'est-ce que cela signifie concrètement ? Quelle est la démarche d'acquisition du groupe ?
Pierre-Yves Guégan : Mutares est une holding d'investissement industrielle, plutôit d'un "fonds d'investissement". En général dans la finance, nous avons souvent des "fonds de private equity" qui ont des détentions de 4 à 5 ans. Ce n'est pas un principe applicable à Mutares : aucun fonds de pension ou quoi que ce soit n'est derrière. Il n'y a pas de pression sur un temps de détention qui serait prédéterminé avant même la finalisation de l'acquisition. D'ailleurs, le portefeuille de Mutares comprend des entreprises qui sont là depuis 2009.
Mutares, qui cumule en termes de chiffre d'affaires 2,5 milliards d'euros et emploie 15000 salariés, a un capital composé de la cotation en bourse (de Francfort) et du capital détenu par le fondateur de Mutares, Robin Laik.
Quel est votre rôle au sein de Mutares et de La Rochette ?
Je fais partie des équipes opérationnelles de Mutares : mon rôle est de prendre part au management de l'entreprise une fois l'acquisition réalisée en fonction des besoins, ici en tant que président. Ce rôle, j'ai déjà appliqué dans plusieurs entreprises : avant La Rochette, j'étais le PDG de SFC, fournisseur automobile, et le dirigeant de Norsilk qui est une raboterie située en Normandie.
Mutares a internalisé ses domaines d'expertise. Le groupe ne fait quasiment jamais appel à des intervenants extérieurs. Depuis le 1er mai, je me considère comme appartenant à La Rochette Cartonboard et non plus à Mutares. J'ai des interactions avec Mutares comme un dirigeant envers son actionnaire. Cependant, j'ai le luxe de pouvoir m'appuyer sur une équipe de plus de 100 experts et c'est le principe de fonctionnement de Mutares. Par exemple, rencontrant un problème de logistique, j'ai pu faire appel à un expert logistique. En deux mois, il a déployé un plan d'action et a amélioré ce point.
Quelles sont les entreprises qui intéressent Mutares ?
Mutares investit toujours dans une dominante industrielle qui se répartit en trois secteurs : l'automobile, l'ingénierie et les biens et services. La Rochette fait partie de cette dernière catégorie.
Quel est l'historique de Mutares dans le papier carton ?
Cenpa qui fabrique du carton pour tubes dans le Bas-Rhin appartient à Mutares depuis 2015. Mutares possédait également le fabricant allemand de papiers Zanders (de 2015 jusqu'à fin 2018. Zanders a été liquidé le 30 avril 2021, NDLR) et depuis mai la papeterie française La Rochette.
Comment fonctionne Mutares après avoir acquis une entreprise ?
Mutares développe les entreprises en deux axes. Premièrement, des personnes de Mutares viennent travailler dans l'entreprise pour la développer de l'intérieur en mettant en place des plans d'action pour améliorer les résultats. Le deuxième axe est un développement par croissance externe afin de rendre l'entreprise encore plus cohérente par rapport aux clients et marchés.
Le segment papier carton en France est donc porteur ?
Oui. Il y a clairement un développement à faire sur la partie papier et cartonnerie. Il existe une appétence particulière pour le papier et le carton au contraire du plastique. Il suffit d'observer le marché. Par exemple, dans la construction certaines règles vont être mises en place – à court terme – pour imposer la présence de bois. Dans le packaging, ce sont des emballages à base de carton/papier qui sont plébiscités et non plastiques.
Nous avons clairement un domaine d'activités en croissance. Donc, oui Mutares a une appétence sur ce segment.
D'ailleurs, La Rochette le démontre : les résultats sont en forte hausse notamment au cours des deux dernières années en 2019 et 2020 (d'une part grâce à une gestion interne meilleure et d'autre part au marché lui-même).
Mutares s'intéresse-t-il à d'autres sites français du secteur papier carton ?
Oui ! Mais je n'en dirai pas plus.