Depuis lundi, 140 ouvriers dont 95 cordistes s'attellent à déployer les lés de tissu sur chacune des façades de l'Arc de Triomphe, place de l'Étoile-Charles de Gaulle. 25 000 m2 de tissu argent bleuté ceinturés par 3000 m de corde rouge couvriront entièrement l'édifice des Champs-Elysées et transformeront le monument parisien en œuvre éphémère de Christo.
Une œuvre d'art finalement posthume
Le couple d'artistes - Christo Vladimiroff Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon, communément appelé Christo - avait imaginé cet emballage gigantesque en 1961.
Repoussée par deux fois en 2020 en raison de la période de nidification des faucons crécerelles puis de la crise sanitaire, la réalisation de l'œuvre L'Arc de Triomphe empaqueté sera finalement posthume, Christo Vladimiroff Javacheff, veuf depuis 2009, nous ayant quittés en mai 2020 à l'âge de 84 ans.
L'Arc de Triomphe comme un objet vivant
"Ce sera comme un objet vivant qui va s'animer dans le vent et refléter la lumière. Les plis vont bouger, la surface du monument va devenir sensuelle. Les gens auront envie de toucher l'Arc de Triomphe" décrivait Christo lors de la présentation de son projet.
L'œuvre éphémère sera visible du samedi 18 septembre au dimanche 3 octobre. Le démontage qui débutera le 4 octobre s'achèvera le 10 novembre au plus tard.
Ce projet de 14 millions d'euros est entièrement financé, comme tous les projets monumentaux de Christo, par la vente d'œuvres originales du couple. Les matières utilisées pour l'emballage, le tissu et la corde, sont en polypropylène recyclable.
L'esthétique des emballages critiquée
Mais L'Arc de Triomphe empaqueté n'échappe pas aux critiques formulées habituellement envers les emballages industriels.
Carlo Ratti, architecte et pourtant ami de Christo, appelle, dans une tribune au Monde, à abandonner "l'esthétique des emballages à haut gaspillage". "Contrairement aux grandes guerres du XXe siècle, la crise climatique du XXIe siècle n'a pas réussi à secouer suffisamment les esprits, déclarait-il samedi dans le quotidien. Alors que nous cherchons à sortir d'une société de surconsommation en Occident, nous devons abandonner l'esthétique des emballages à haut gaspillage."
L'Arc de Triomphe, un monument deux fois complètement recouvert
L'Arc de Triomphe n'a que de très rare fois été "emballé". Le monument avait été partiellement caché lors de son inauguration le 29 juillet 1836, notamment pour dévoiler les tables nominatives visibles sous les petites voûtes, et lors des obsèques de l'écrivain Victor Hugo le 1er juin 1885, un voile de crêpe noir recouvrant le somment du monument.
Et en 1989, l'artiste française Catherine Feff avait recouvert, lors des travaux de restauration, les échafaudages de filets tricolores. "Cependant, l'empaquetage de l'Arc de triomphe par Christo et Jeanne-Claude permettra cette fois d'épouser parfaitement la silhouette du monument" souligne le Centre des monuments nationaux.
Les artistes ont également réalisé de nombreux autres empaquetages gigantesques, dont le Pont-Neuf à Paris en 1985 et le Reichstag de Berlin en 1995.