Écoutez cet article
En ce mois de janvier, nous avons demandé à Grégoire Morault, le président du groupe Morault qui compte quatre sites d'impression feuille et roto et 210 salariés comment il envisageait l'année à venir...
"2023 s'annonce encore comme une année incertaine.
Si depuis 20 ans, le secteur de l'imprimerie n'a globalement plus connu de belles années, dans ces trois dernières années, rien ne lui aura été épargné.
Nous avons subi des pénuries, puis des augmentations illimitées du prix du papier, dont le prix prohibitif a détourné certains clients de l'imprimé, au profit du digital.
Après le covid, ce fut la deuxième lame de fond, et je pense que rares sont les entreprises qui ont recouvré les chiffres d'affaires d'avant la pandémie, pourtant déjà insuffisants pour beaucoup d'entre nous.
Après ces problématiques de papiers, personne ne pouvait prévoir les augmentations stratosphériques du coût de l'énergie, et nul n'en connaît l'issue. On sent une tension, une incertitude, et les trésoreries de nos clients sont de plus en plus tendues.
De notre côté, nous pensons qu'il faut continuer à investir de manière soutenue, très ciblée afin d'être toujours plus réactifs. Je ne crois pas au seul salut dans une réponse multicanale, mais plutôt à une offre de spécialistes qui réussiront à vendre un service au juste prix, dans des délais optimisés, avec une production française, sur un marché bien défini.
L'imprimerie vit des périodes difficiles, mais l'invention de nouvelles contraintes rajoute de nouvelles difficultés ! L'obligation du film papier thermoscellant pour le routage, obligatoire en France alors qu'il ne l'est pas dans le reste de l'Europe, est une hérésie. De même, la publicité non adressée, le Oui pub sont autant de signaux forts qui alimentent le papier bashing, et concourent à l'abandon de ce dernier par certains annonceurs.
De plus, le secteur de l'imprimerie est parfaitement inaudible par les pouvoirs publics, sur ses difficultés. En dehors de la période des élections, les imprimeurs sont absents de la presse générale et économique.
Nous n'avons aucun poids politique, et ne sommes jamais concernés par les dispositifs d'aide.
La presse a évidemment l'écoute permanente du ministère de l'Économie, et c'est aussi le cas des fédérations ou syndicats représentant les entreprises du secteur de l'étiquette, du livre, du carton qui sont bien plus entendus que nous.
L'exercice du métier devient de plus en plus complexe, et cela aboutit à une guerre de survie, dans laquelle le problème du recrutement est crucial.
Il s'agit peut-être maintenant d'une fin de cycle, annonçant une consolidation par le haut, liée notamment à l'avenir de certains gros groupes industriels, dont les répercussions toucheront plusieurs strates dans le domaine de la rotative.
L'imprimerie, dont Victor Hugo disait que son invention est 'le plus grand événement de l'histoire. C'est la révolution mère. C'est le mode d'expression de l'humanité qui se renouvelle totalement.'
Il est certain que, dans les trente dernières années, le métier s'est paupérisé, mais il nous revient de créer un nouvel élan, sans être entravés dans ce mouvement par des politiques d'obstruction."