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Après deux ans de bataille juridique, les anciens salariés de l'imprimerie Paragon de Romorantin-Lanthenay dans le Loir-et-Cher obtiennent gain de cause contre Paragon Transaction basé dans la Nièvre et qui réalise 85 millions d'euros de chiffre d'affaires dans l'impression et la transformation numérique. Le Conseil d'État leur a donné raison, confirmant définitivement la conclusion de la Cour administrative d'appel de Versailles : la rupture conventionnelle collective (RCC) signée avec la direction est illicite. Les 33 ex-salariés vont ainsi pouvoir demander des dommages et intérêts auprès du Conseil des prud'hommes.
Ces employés avaient perdu leur emploi avec la fermeture de l'imprimerie de Paragon début 2021, dévoilée par la presse locale en novembre 2020.
Leurs départs avaient été entérinés par une rupture conventionnelle collective (RCC) conclue en décembre 2020 entre la direction du groupe Paragon et trois des quatre syndicats du site. Seule FO avait refusé de signer cet accord. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Centre Val de Loire, avait validé cette RCC en janvier 2021.
Un combat juridique acharné pour les anciens salariés de l'imprimerie Paragon
L'Union départementale des syndicats Force ouvrière se lance alors dans la bataille juridique. Éric Gondy, secrétaire général de l'UD FO du Loir-et-Cher, nous explique le point de discorde : "Bien que validé par la DIRECCTE, le dispositif de RCC n'est pas adapté pour fermer un établissement. Il aurait fallu faire un plan de sauvegarde de l'emploi. Les négociations de rupture conventionnelle n'ont pas été loyales : les syndicats ont subi une très forte pression pour signer, et les salariés ne voulaient pas partir dans ces conditions. Ils n'étaient pas consentants, contrairement à ce que nécessite ce dispositif de départs volontaires."
Le ministère du Travail et Paragon condamnés
Dans un premier temps, en juin 2021, la Cour administrative d'Orléans se range du côté de la DIRECCTE. Mais FO ne baisse pas les bras, et en octobre de la même année, la Cour administrative d'appel de Versailles donne raison au syndicat : elle condamne le ministère du Travail et annule la validation par la DIRECCTE de la rupture conventionnelle.
Mais Paragon Transaction, qui fait partie du groupe Paragon au chiffre d'affaires de 1,2 milliard d'euros, se pourvoit en cassation. Le 21 mars 2023, le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative en France, tranche de manière définitive : la rupture conventionnelle collective de Paragon est illicite.
"Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission, ne peuvent être imposées par l'une ou l'autre des parties", stipule le Conseil d'État. Un tel accord "ne peut être validé par l'autorité administrative lorsqu'il est conclu dans le contexte d'une cessation d'activité de l'établissement ou de l'entreprise en cause conduisant de manière certaine à ce que les salariés n'ayant pas opté pour le dispositif de rupture conventionnelle fassent l'objet, à la fin de la période d'application de cet accord, d'un licenciement pour motif économique, et le cas échéant, d'un plan de sauvegarde de l'emploi."
Une décision du Conseil d'État qui fera date
Éric Gondy se dit satisfait et rappelle : "Ce verdict est valable pour toutes les entreprises de France". Et il souligne : "Les choses étaient pourtant claires. Lorsque le dispositif a été mis en place, un député a soulevé ce cas, le cas d'une fermeture d'entreprise par le RCC, lors des questions parlementaires et la réponse du ministre du Travail de l'époque a été clairement non. C'était bien dit par le pouvoir législateur et le pouvoir exécutif, mais Paragon s'est cru plus malin…"
Le secrétaire général ajoute : "Cette décision nous redonne confiance dans la justice. Les juges et le Conseil d'État ont appliqué l'esprit de la loi. La rupture conventionnelle n'est pas faite pour fermer un site."