Depuis le 5 avril, la publicité télévisuelle pour la promotion de livres est autorisée sur toutes les chaînes publiques gratuites de la TNT, et ce pendant une période expérimentale de deux ans, selon un décret publié au Journal officiel par le ministère de la Culture.
Quelques jours après cette publication, ce fut une levée de boucliers générale des différentes organisations d'éditeurs, de libraires et d'auteurs pour demander l'abrogation de ce décret. Le ministère de la Culture avait ouvert en janvier et février une consultation publique sur ce projet et visiblement ce décret a pris de court les professionnels de l'édition.
"C'est allé vite en besogne. Nous avons été consultés en amont et nous savions que le projet était sur la table, mais nous n'avions aucune idée du calendrier" indique, dans Les Échos, Renaud Lefebvre, directeur général du Syndicat national de l'édition (SNE).
Pas de pub TV de livres depuis 1992 en France
La promotion de livres n'avait plus sa place sur le petit écran depuis un décret de mars 1992, dans le but louable de sauvegarder la diversité culturelle et de limiter la prédominance des grandes maisons d'édition.
Plus de 30 ans après, avec cette nouvelle mesure, le secteur tout entier de l'édition craint de voir le marché du livre se fragiliser et la création littéraire s'appauvrir suite à cette expérimentation.
Des arguments ministériels qui ne passent pas pour les libraires
Selon la ministre de la Culture, Rachida Dati, cette expérimentation a pour objectif d'inciter les gens à pousser les portes d'une librairie pour acheter le best-seller repéré sur le petit écran et de repartir avec "trois autres livres sous le bras".
Pour Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française, l'argument de l'achat de ces trois autres livres ne passe pas. Il déclare à SudOuest : "Si un lecteur découvre un best-seller grâce à une pub télévisée, il ne va acheter que celui-là. Et il restera un lecteur très occasionnel" puis sur France Culture : "Cela ne correspond pas à leurs habitudes. Le premier réflexe ce sera de commander sur internet, deuxième réflexe de l'acheter en grandes surfaces !".
Une expérimentation rentable ? Et pour qui ?
Le coût moyen d'un spot télé étant de 30 000 euros, il semble difficile aux maisons d'édition, telles que Flammarion ou Albin Michel, d'amortir ce coût. Il serait intéressant de connaître l'incidence du passage du spot vantant mi-avril sur BFMTV Les Effacées de Bernard Minier, aux éditions XO, sur le nombre de ventes supplémentaires, alors que le livre faisait déjà partie, dès sa sortie début avril, du top 10 des ventes.
Quid des petites maisons d'édition, des libraires, principaux vendeurs de livres de création et de nouveaux auteurs, qui ne pourront passer par ce média pour raison financière ?
Dans un article du Monde, le SNE craint une "best-sellarisation" soit une concentration trop forte des ventes sur une petite quantité de titres d'écrivains déjà installés et déplore que cette nouvelle mesure soit "de nature à déséquilibrer une filière qui vaut par sa grande diversité".