Il y a quatre ans, l'artiste niçois Ben, de son vrai nom Benjamin Vautier, déclarait au Parisien que la seule façon de se débarrasser de son ego "c'est de se tuer". Mercredi 5 juin, l'artiste, âgé de 88 ans, est passé à l'acte peu de temps après le décès de son épouse.
L'artiste laisse derrière plus de 12 000 sculptures et peintures qui tiennent souvent de la performance, mais surtout une multitude de panneaux petits ou grands, noirs ou colorés, où sont tracés dans une calligraphie volontairement enfantine de couleur blanche des citations, des remarques, des idées et des questions.
Se revendiquant de Fluxus, un non-mouvement artistique créé au début des années 1960 où le jeu et l'humour sont de mise, Ben joue avec les mots et livre de courtes phrases qui interrogent. En 2016, l'artiste déclarait sur Europe 1 : "J'avais envie de communiquer, mais je ne sais pas dessiner ce que je sens ; en revanche, je peux écrire des mots qui le disent". Des mots que Ben a choisi de rédiger dans une écriture lisible pour les plus jeunes et les plus âgés.
Pour l'artiste, l'art devait être désacralisé et se trouvait dans tous les objets du quotidien. Il interprétait cette présence avec humour et provocation dans ses différentes œuvres. Pour lui, la signature de l'artiste était importante. En 1963, il signe l'intégralité des objets du marché aux puces de Nice. Pas étonnant qu'une de ses phrases fétiches soit "Nous sommes tous ego".
Des sculptures aux cahiers Quo Vadis jusqu'aux étiquettes de vin
Son écriture si reconnaissable avec sa ponctuation fantaisiste, ses ronds sur les i, ses majuscules rares se retrouve en 1990, grâce à une collaboration avec Quo Vadis, sur les carnets, classeurs, trousses et fournitures de bureau des collégiens, lycéens et étudiants.
Cette même calligraphie avait il y a 40 ans révolutionné un marché beaucoup plus codé que celui de la papeterie, celui du vin et plus exactement de l'étiquette de vin. Le domaine du Château de Jau dans les Pyrénées-Orientales demande à Ben de réaliser l'étiquette de ses cépages de syrah, chardonnay et sauvignon blanc et rosé. Le Jaja de Jau est ainsi devenu une des plus belles réussites marketing du vignoble contre toute attente, tant le pari était osé.
La mesure de la fantaisie et de l'impertinence de l'artiste se retrouve par exemple à l'entrée d'un lieu d'expositions de ses œuvres à Calvi. Sur la pelouse trône une vache noire sur les flancs de laquelle est écrit "Les artistes ne sont pas des vaches à lait" et "Ceci n'est pas une vache mais une mayonnaise culturelle".
Le dernier pied de nez au conformisme de Ben a été fait au musée d'Art naïf de Nice qui accueillait jusqu'à fin mai dernier une exposition temporaire, "On est tous fous", dédiée à l'artiste, avec l'installation d'un ring de boxe à l'entrée du musée et d'espaces débat au centre de plusieurs des salles d'exposition.