Le récent documentaire de France 5 sur l'emballage papier-carton a suscité une vive réaction au sein de la filière. Après avoir réuni 823 000 téléspectateurs, soit 4 % de part d'audience, l'émission a suscité de vives réactions dans l'industrie de l'emballage papier-carton. Si le reportage visait à dénoncer les dérives de ce secteur, il semble avoir plutôt rassemblé la profession contre lui. Dans un communiqué daté du 17 septembre, la Copacel, la Cofepac, accompagné des syndicats Filpac-CGT, CFDT, FO et CFE-CGC, a vivement critiqué le traitement partial de l'émission. Les organisations rappellent qu'elles avaient fourni de nombreuses informations aux journalistes en amont, mais que ces dernières ont été largement ignorées. Elles dénoncent des erreurs flagrantes et une approche biaisée, accusant l'émission de favoriser un discours militant plutôt qu'un débat équilibré.
Manipulation de l'information : les limites d'une généralisation abusive
L'un des principaux reproches formulés par la filière de l'emballage papier-carton à l'encontre du documentaire de France 5 concerne la question récurrente des sacs en papier. L'émission s'interroge : « sont-ils bien fabriqués en matière recyclée ? ». Une question qui semble sous-entendre que l'industrie affirme utiliser uniquement des fibres recyclées. Or, cette assertion n'a jamais été avancée par les professionnels. En réalité, la production de sacs en papier fait principalement appel à des fibres vierges pour des raisons techniques précises, telles que la résistance et la contenance. Ces choix ne sont en aucun cas un obstacle environnemental, comme l'industrie l'avait déjà expliqué à la rédaction, chiffres à l'appui.
Le procédé employé par l'émission repose donc sur une généralisation abusive et la construction d'un présupposé qui n'a jamais été défendu par la filière. Cette approche conduit à une vision déformée des pratiques réelles, en ignorant le fait que ces sacs représentent moins de 3 % des emballages papier-carton, et que, pour le reste, plus de 90 % sont fabriqués à partir de carton recyclé. Le documentaire, en se focalisant sur une exception, omet de fournir au spectateur les éléments contextuels nécessaires à une compréhension juste de la situation.
Des chiffres choquants, mais mal interprétés
L'émission continue dans la même veine en évoquant les 200 000 tonnes de vieux cartons exportés au Vietnam. La musique inquiétante et le ton alarmiste utilisés renforcent l'idée d'un fait massif et problématique. Pourtant, ce chiffre représente à peine 3 % des vieux cartons collectés en France. Ce choix de mise en scène, accompagné de commentaires partiels, masque la réalité : la majorité des biens de consommation sont importés d'Asie, souvent dans des emballages en carton. Il est donc logique qu'une partie de ces emballages retourne en Asie pour y être recyclée et réutilisée dans de nouveaux cycles de production. L'industrie défend d'ailleurs un recyclage de proximité, et cette exportation reste ultra-minoritaire face aux 90 % des cartons recyclés en France et en Europe.
Le choix de filmer près d'un grand port français contribue sans doute à présenter une situation qui semble majoritaire mais qui, en réalité, est marginale. Ce type de présentation équivoque prive le spectateur d'une vision d'ensemble et favorise une perception biaisée des faits.
Omission d'informations clés : les approvisionnements en bois
Un autre exemple frappant de manipulation concerne la présentation des coupes de bois. Le documentaire, qui entend vérifier l'origine des fibres vierges utilisées dans la production de papier, montre des images de coupes rases alors qu'il est question de coupes d'éclaircie. Ce détail, ignoré par la rédaction, induit le spectateur en erreur, suggérant que l'entreprise ment sur ses approvisionnements. De plus, l'émission ne précise pas que la coupe rase montrée est en grande partie destinée à d'autres usages que la production de papier, renforçant ainsi l'idée fausse d'une exploitation abusive des ressources forestières.
Cette technique de substitution d'images joue sur les perceptions du spectateur, laissant croire que des pratiques destructrices sont en œuvre dans l'industrie papetière, alors que la majorité des approvisionnements provient de forêts européennes gérées durablement.
Recyclage et consommation d'eau : un traitement à charge
L'usine de production de papier recyclé présentée dans le documentaire fait également l'objet d'une attaque biaisée. L'émission sous-entend que l'entreprise a refusé d'ouvrir ses portes, laissant supposer qu'elle cherche à cacher des pratiques peu respectueuses de l'environnement. Elle affirme également que le recyclage consommerait des quantités massives d'eau. Or, cette affirmation est trompeuse : 90 % de l'eau utilisée par les papeteries est restituée après traitement. En négligeant ces détails, l'émission présente une vision tronquée et négative du processus de recyclage, alors qu'il est reconnu pour son faible impact hydrique.
Une omission stratégique des impacts du réemploi
Tout au long du documentaire, la réutilisation des emballages est présentée comme la seule solution viable pour l'environnement. Cependant, l'émission n'évoque jamais les impacts réels du réemploi. Des études récentes, notamment celles de l'ADEME et du Joint Research Center de la Commission Européenne, ont montré que le réemploi pouvait, dans certains cas, générer des impacts environnementaux supérieurs à ceux du recyclage, notamment en raison des processus de lavage et de transport. Le documentaire met en avant des machines lourdes et complexes pour nettoyer des caisses réemployées, sans jamais questionner le bilan écologique de ces opérations. L'usage intensif de l'eau et de produits chimiques dans le lavage est ainsi passé sous silence, alors même que l'émission critique l'utilisation de l'eau dans le recyclage.
Une filière en quête d'équilibre entre réemploi et recyclage
L'industrie du papier-carton ne nie pas la pertinence du débat entre réemploi et recyclage. Cependant, elle insiste sur l'importance de fonder ces choix sur des bilans environnementaux complets et comparatifs, ce que le documentaire ne fait pas. En se focalisant uniquement sur les aspects négatifs du recyclage, l'émission omet des faits majeurs, comme l'utilisation croissante d'énergies renouvelables par la filière, ou encore l'atteinte d'un taux de recyclage des emballages papier-carton de près de 90 %, en avance sur les objectifs européens. Un bilan plus équilibré aurait permis au grand public de mieux comprendre les enjeux réels de ce secteur.
Communiqué de presse COPACEL - COFEPAC - FO, CFE-CGC, CGT et CFDT
L'émission de France 5 consacrée à l'emballage papier-carton : un exemple de manipulation de l'information qui devrait être étudié dans les écoles de journalisme
Manipulation n° 1 : ne pas hésiter à faire des généralisations abusives
L'émission présente comme un chiffre choquant le fait que 200 000 tonnes de vieux papiers et cartons soient exportés au Vietnam pour y être recyclés. En réalité, ce tonnage ne représente que 3 % du volume collecté en France. Les « vieux papiers et cartons » récupérés dans notre pays sont dans les faits recyclés à près de 90 % en France et dans les pays limitrophes. Le choix de l'émission de se positionner à proximité d'une zone portuaire a probablement contribué à présenter des flux très minoritaires comme une réalité « qui n'a rien d'exceptionnel ».
Manipulation n° 2 : alléguer des faits qui ne sont pas exacts afin de pouvoir les contredire
Lorsqu'une voix « off » pose la question « tous les sacs sont-ils bien fabriqués en matière recyclée ? », elle sous-entend que ce type d'allégation est répandue. Il avait été notamment expliqué en amont à la rédaction, par écrit, que ce message est inexact. Selon les caractéristiques du sac (contact alimentaire, résistance, contenance, blancheur…) ce sont en effet soit des fibres vierges (issues directement du bois) soit des fibres recyclées qui sont utilisées, les deux types de fibres étant complémentaires (la fragilisation et la perte des fibres lors du recyclage, comme cela est précisé, impose un apport en fibres vierges, sans défavoriser le bilan environnemental).
Manipulation n° 3 : énoncer une chose, mais en montrer une autre
L'émission mentionne à juste titre que le bois utilisé pour la production de pâte à papier provient de chutes de scieries ou de coupes d'éclaircies. Mais plutôt que de montrer une coupe d'éclaircie, les images présentées à l'écran sont celles d'une coupe rase, alors même que 80% d'une telle coupe ne concerne pas la fabrication de papier et ne finit pas en papèterie, ni en sac papier. Le procédé évoque le tableau du surréaliste Magritte, qui peignait un objet en lui donnant le nom d'un autre.
Manipulation n° 4 : présenter une opération sylvicole normale comme une pratique néfaste à l'environnement
Manipulation n°5 : entretenir une image négative des sites industriels afin de jeter le doute sur leur performance environnementale
Les propos stigmatisant les usines et les équipements industriels abondent « l'usine fait verrue » ; « j'efface l'usine de mes photos car c'est vraiment trop moche » ; « cela fait désolation [s'agissant d'une usine] ». Les énonciations de jugements esthétiques, par nature subjectifs, sur un fond musical anxiogène, contribuent au dénigrement de l'industrie et à instiller l'idée de piètres performances environnementales. Ce type de procédé est renforcé par des suppositions gratuites « pourquoi ne veulent-ils pas montrer le recyclage, peut-être parce que cela consomme beaucoup d'eau ?».
Manipulation n°6 : utiliser des termes inadaptés ou des chiffres obsolètes afin de dénigrer la performance environnementale d'un produit
Par ailleurs, l'étude comparative du bilan carbone des gobelets présentée est en réalité obsolète et fondée sur des bases de données anciennes qui sous-estiment l'impact du plastique et surestiment l'impact du carton. Cette étude n'est ni normée ni certifiée par des tiers, et ne tient pas compte de l'effet du recyclage des 92 % de carton composant les gobelets mis sur le marché français aujourd'hui. Réalisée par une start-up qui promeut le réemploi, elle affiche en outre des résultats qui correspondent à des produits différents de ceux présentés et pesés à l'écran. Quant au gobelet réemployable, dont le bilan carbone n'est pas présenté pour comparaison, rien n'est dit sur l'impact de la phase de lavage et de transport dont les analyses de cycle de vie de référence ont montré qu'il était clairement bien supérieur à celui d'un gobelet carton à usage unique.