Depuis septembre 2024, Apple propose sur son navigateur Safari la fonctionnalité "Distraction Control", permettant aux utilisateurs de masquer manuellement des fenêtres publicitaires et des pop-ups. Cette nouveauté n'a pas tardé à susciter de vives réactions dans le secteur des médias et de la publicité en France. Une coalition de professionnels a ainsi adressé une lettre ouverte à Apple pour réclamer la suspension de cette fonctionnalité, jugée dangereuse pour l'économie des éditeurs et la conformité aux régulations en vigueur.
L'une des principales inquiétudes soulevées par les acteurs de la publicité concerne l'impact économique de l'outil "Distraction Control". En permettant aux utilisateurs de masquer les bannières publicitaires, cette fonctionnalité pourrait diminuer considérablement les revenus publicitaires qui soutiennent une grande partie du modèle économique des médias en ligne.
Directeur général adjoint d'Alliance Digitale, "c'est une partie du modèle économique de l'ensemble de la presse, des médias, des pure players et des fournisseurs de contenus qui serait amputée."
Au-delà des questions économiques, les signataires de la lettre ouverte soulignent un problème majeur de conformité aux lois européennes sur la protection des données, notamment le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Le fait de permettre aux utilisateurs de masquer les fenêtres de consentement aux cookies pourrait mettre en danger la capacité des éditeurs à respecter les obligations de collecte de consentement. "Distraction Control" pourrait ainsi nuire aux mécanismes de transparence nécessaires pour garantir le respect des droits des utilisateurs en matière de données personnelles.
La demande de suspension est en partie motivée par le manque de transparence de la part d'Apple sur le fonctionnement de "Distraction Control". Les associations signataires reprochent à l'entreprise de Cupertino de ne pas avoir suffisamment communiqué sur les aspects techniques de cette fonctionnalité et ses potentielles évolutions. Il est également craint que cette fonctionnalité, aujourd'hui manuelle, puisse devenir automatique à l'avenir, ce qui aggraverait encore les inquiétudes quant à son impact sur les revenus publicitaires et la conformité légale.
Un autre danger évoqué par les professionnels des médias est la possibilité que "Distraction Control" facilite la manipulation de l'information. En autorisant le masquage de certains contenus éditoriaux ou protégés par des droits d'auteur, cette fonctionnalité pourrait être utilisée de manière abusive pour altérer ou censurer des informations essentielles. Cette potentielle dérive inquiète particulièrement dans un contexte où la confiance dans les sources d'information est déjà fragilisée.
Face à ces enjeux économiques, légaux et sociaux, les acteurs de la publicité et des médias n'excluent pas d'envisager des recours juridiques contre Apple si leurs demandes ne sont pas entendues. Cette lettre ouverte est la deuxième envoyée à l'entreprise, la première étant restée sans réponse. En l'absence d'une réponse satisfaisante, la coalition d'annonceurs pourrait saisir la justice, invoquant des violations potentielles des droits à la protection des données et des principes de concurrence.