Alors que les États-Unis connaissent une hausse sans précédent des fusions et acquisitions dans l'imprimerie, le marché français peine à attirer les acheteurs. Dans un contexte de marchés locaux et de réticence aux investissements technologiques coûteux, les acquéreurs potentiels sont rares, et les entreprises françaises privilégient davantage la rationalisation à l'expansion. À cela s'ajoute une fragmentation du secteur qui, loin de générer des économies d'échelle par la consolidation, intensifie la concurrence et limite les opportunités de cessions attractives.
Aux États-Unis, le secteur de l'imprimerie a connu une effervescence exceptionnelle en matière de fusions et acquisitions, atteignant des niveaux records. En 2021 et 2022, le nombre de rachats a explosé, une tendance qui s'est poursuivie en 2023 et devrait encore se maintenir en 2024. Ce dynamisme marque un tournant pour une industrie qui, après la Grande Récession, avait été largement délaissée par les investisseurs. Aujourd'hui, le marché américain attire une diversité inédite d'acheteurs, incluant des fonds de capital-investissement, des holdings familiales, des acheteurs stratégiques et des investisseurs individuels. Chacun de ces profils apporte des stratégies spécifiques, permettant aux vendeurs de trouver des options de croissance ou de transformation adaptées à leurs objectifs. Cette demande accrue, conjuguée à des taux d'intérêt historiquement bas (jusqu'à la fin de 2022) et à une économie résiliente, a fortement stimulé ces transactions, plaçant l'industrie de l'imprimerie américaine au centre de la consolidation.
En France, le secteur de l'imprimerie demeure extrêmement fragmenté, composé de nombreuses petites structures. Contrairement aux États-Unis, où cette fragmentation a favorisé les rachats pour atteindre une masse critique, en France, la petite taille des entreprises et leurs capacités d'investissement limitées freinent les consolidations.
Les acteurs financiers, comme les fonds de private equity, montrent peu d'intérêt pour les entreprises françaises du secteur, souvent perçues comme moins rentables et davantage tournées vers des méthodes traditionnelles. À l'inverse des États-Unis, où de nombreuses imprimeries diversifiées intègrent des solutions de communication avancées, les entreprises françaises n'ont pas toujours évolué vers des services complémentaires comme le data management ou le marketing digital. Elles apparaissent ainsi moins attractives pour les investisseurs en quête de rendements rapides.
Pour beaucoup d'imprimeurs français, les investissements nécessaires pour passer au numérique sont décourageants. L'acquisition de presses numériques, l'industrialisation, l'automatisation, ainsi que l'intégration de solutions de gestion de données et de personnalisation représentent des évolutions coûteuses. Ce manque de modernisation, combiné à une spécialisation persistante dans l'offset traditionnel, rend les petites imprimeries françaises plus vulnérables et moins compétitives face aux acteurs plus modernes et polyvalents.
Le clivage entre ceux qui investissent dans le numérique et ceux qui n'y parviennent pas est également perceptible en France, bien que dans une moindre mesure qu'aux États-Unis. Les entreprises françaises qui adoptent les technologies avancées parviennent à fidéliser leurs clients au-delà des simples considérations de prix, établissant des relations commerciales plus durables. Toutefois, ces cas restent rares et concernent surtout les grandes structures du secteur.
Le secteur français de l'imprimerie rencontre de grandes difficultés pour assurer la succession des entreprises. Souvent familiales, ces entreprises peinent à trouver des repreneurs qualifiés. Les jeunes générations sont peu enclines à reprendre des sociétés perçues comme peu innovantes et exposées à un risque de transformation technologique constant. Lire : Groupe Renard : absence de repreneur et avenir incertain puis Liquidation du groupe Renard prononcée
Les rares transactions se font principalement entre acteurs locaux, souvent motivés par des raisons de proximité géographique et une meilleure connaissance des contraintes locales. Ce modèle de rachat intrarégional limite cependant les synergies potentielles et ne permet pas aux repreneurs de bénéficier des économies d'échelle que pourraient offrir une consolidation plus large.