Ceux qui s'accrochent encore au plaisir de feuilleter un journal ou de résoudre un mot croisé à l'ombre d'un cocotier savent que le numérique ne peut tout remplacer. Certes, le monde bascule vers les écrans, mais cette transition n'est pas sans heurts, et surtout, elle n'est pas universelle. Le numérique présuppose un accès généralisé à internet et une aisance avec des technologies que tous ne maîtrisent pas. En Polynésie, où certaines îles restent éloignées des infrastructures modernes, le numérique ne saurait tout absorber. Cela signifie qu'une partie des lecteurs sera privée d'une source d'information essentielle et d'un lien avec l'extérieur.
Pour les kiosques polynésiens, l'impact financier sera immédiat. Privés de près de 20 % de leur chiffre d'affaires, ils devront se réinventer, faute de quoi nombre d'entre eux risquent de ne pas survivre à ce changement. Loin d'être un simple retrait de produit, la fin de la presse papier nationale signifie aussi la perte d'un espace de convivialité, où jeunes et moins jeunes se retrouvent, discutent, échangent autour de leur quotidien préféré.
Mais au-delà des considérations économiques et sociales, c'est la question de la diversité des choix d'information qui se pose. Si tout doit désormais passer par des abonnements numériques, ceux qui n'ont ni les moyens ni la maîtrise de ces outils perdront tout simplement accès aux journaux. La transition numérique de la presse pourrait bien se transformer en une fracture d'accès à la connaissance.
La relocalisation des investissements publicitaires représente aujourd'hui un levier stratégique pour sauver la presse, menacée par la concentration des revenus publicitaires entre les mains des géants du Net. En réorientant une part des recettes publicitaires vers les médias traditionnels, la presse pourrait retrouver des ressources vitales pour maintenir son indépendance, diversifier ses contenus et sécuriser les emplois dans un secteur en difficulté.
Cette démarche permettrait de redonner une place aux médias locaux dans un environnement saturé par les plateformes numériques, souvent favorisées par des politiques d'optimisation fiscale qui desservent les acteurs nationaux. Relocaliser les budgets publicitaires, par une régulation adaptée et des incitations pour les annonceurs, pourrait ainsi offrir à la presse un souffle financier nécessaire pour se réinventer, se moderniser, et continuer à remplir son rôle fondamental : informer de manière indépendante et accessible.