Entre une baisse significative de la production et des défis croissants liés aux nouvelles attentes environnementales, les acteurs du secteur se trouvent à un tournant. Si la consommation de papiers et cartons à recycler augmente, tout comme leur taux d'utilisation, les chiffres traduisent également une pression accrue sur les marges et les capacités d'adaptation.
Les chiffres au service des réalités industrielles
La production totale de papiers et cartons a chuté en 2023 de 13,5 % par rapport à l'année précédente, atteignant 6,1 millions de tonnes, un niveau historiquement bas. Cette baisse s'inscrit dans un contexte de contraction de la demande pour les usages graphiques, qui représentent désormais à peine 12,4 % du total. Dans le même temps, les segments d'emballage et de conditionnement, représentant 70 % de la production, peinent à compenser ce recul.
Transition écologique : un impératif, mais à quel coût ?
L'industrie s'engage dans une transformation profonde pour répondre aux exigences environnementales. L'utilisation des papiers et cartons recyclés atteint un taux record de 76,9 %, traduisant une avancée indéniable dans l'économie circulaire. Toutefois, ces progrès se heurtent à des défis structurels, notamment le coût croissant de l'énergie et des matières premières recyclées. À cela s'ajoute la nécessité d'investir dans des technologies plus sobres pour réduire l'empreinte carbone des usines.
Une industrie en quête de résilience
Avec des importations en baisse de 12,7 % et des exportations diminuant de 9,2 %, l'industrie papetière française subit également l'impact des fluctuations internationales et des tensions logistiques . Si les acteurs du secteur doivent composer avec ces contraintes immédiates, ils sont également appelés à innover pour garantir la durabilité de leurs modèles économiques.
Les défaillances des producteurs : un secteur sous tension
L'industrie papetière française traverse une période de turbulences marquée par des fermetures en cascade et des restructurations douloureuses. Le cas récent de la papeterie de Stenay, mise en liquidation judiciaire après deux redressements en moins d'un an, illustre cette fragilité. Lire : Liquidation judiciaire de la Papeterie Stenpa (ex-Stenay) : 130 emplois supprimés.
Depuis 2014, le secteur a vu disparaître 10 % de ses sites de production, passant de 91 à 81 usines, tandis que les effectifs ont chuté de 23 %, selon la Copacel. Cette hémorragie accompagne une baisse drastique de la production, particulièrement dans les papiers à usages graphiques dont la fabrication a été divisée par 3,5 en une décennie. Les papiers à usages graphiques, autrefois symboles de l'essor culturel et commercial, sont désormais confrontés à une décroissance structurelle. Leur consommation par habitant est passée de 135,9 kg en 2013 à 105 kg en 2023, marquant une transition vers des supports numériques.
Face à une concurrence mondiale exacerbée et une demande en mutation, les entreprises peinent à maintenir leur compétitivité, fragilisées par la hausse des coûts énergétiques et des arbitrages économiques défavorables. La fermeture récente de papeteries à Saint-Michel (lire : Crise énergétique et chute des prix : la fin de la papeterie Saint-Michel), Bousbecque (lire : Mobilisation des salariés Ahlstrom à Bousbecque pour sauver leurs emplois) et le Chapelle Darblay (lire : le gouvernement face à un ultimatum pour sauver la papeterie), ou encore la délocalisation de Lecas en Turquie (lire : Oxford en lutte contre la délocalisation : appel au boycott de la marque du groupe Hamlin), témoignent de cette pression accrue sur les marges et les modèles économiques.
Dans ce contexte, la question demeure : comment réinventer cette filière pour lui redonner un rôle dans un monde toujours plus digitalisé ?