La filière papier-carton est un secteur industriel stratégique qui doit répondre aux exigences de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC). Pour le secteur qui regroupe les productions pour l'emballage, l'hygiène, les usages graphiques et autres applications, cela implique une réduction d'au moins 81 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 2015 d'ici 2050. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a élaboré un plan de transition proposant deux trajectoires distinctes afin d'atteindre et même de dépasser cet objectif avec une baisse de 60 % des émissions de GES d'ici 2030 et de plus de 95 % à l'horizon 2050, toujours par rapport à 2015.
1er scénario : le réemploi massifié et le bois énergie limité
Le premier scénario repose sur une approche de réemploi massifié et une limitation du recours au bois-énergie. L'objectif est de décarboner la production en combinant plusieurs leviers.
Le nombre de cartons logistiques neufs en circulation sera réduit par la complémentarité du réemploi des cartons usagés et le développement de caisses en plastique.
La biomasse serait développée jusqu'en 2030 pour remplacer progressivement les combustibles fossiles. Par la suite, l'électrification prendrait une place prépondérante avec l'utilisation de pompes à chaleur trés haute température (Pac THT) et de chaudières électriques.
Le déploiement de nouvelles chaudières bois après 2030 sera limité aux usines qui ne produisent pas de pâte à papier fibres vierges et qui nécessitent de la chaleur à très haute température, comme la filière hygiène notamment.
L'intégration d'autres sources d'énergie renouvelable thermique, comme la géothermie et le solaire thermique, permettra d'accompagner cette transition. Les usines de pâte à papier fibres vierges auront, quant à elles, amélioré l'efficience du procédé kraft, modernisé les fours à chaux et valorisé
les derniers co-produits de biomasse pour substituer leur talon de consommation fossile.
Cette stratégie repose sur une transition échelonnée, laissant aux industriels le temps d'adapter leurs installations tout en s'appuyant sur des technologies mûries et disponibles à court terme.
2e scénario : les innovations et le bois-énergie renforcé
Le second scénario mise sur l'innovation technologique avec le développement de matériaux papiers innovants à propriétés barrières à l'eau et aux graisses qui remplaceront un grand nombre d'emballages en plastique (bouteilles, emballages alimentaires et du banderolage en papier étirable, matériaux de calage en cellulose moulée) et un recours accru au bois-énergie.
La décarbonation passera par une mobilisation renforcée de la biomasse pour les usages moyenne et haute température, complétée par des Pac THT (comme dans le scénario 1), du biogaz produit par méthanisation des résidus liquides et solides et certaines technologies de rupture vis à vis du gaz naturel pour les usines qui ne produisent pas de pâte à papier fibres vierges.
L'introduction de nouvelles technologies permettra de réduire la consommation d'énergie et d'améliorer l'efficacité des procédés industriels. Les usines de pâte à papier fibres vierges auront, quant à elles, mobilisé les mêmes leviers de décarbonation que dans le scénario 1.
Ce scénario repose sur des avancées techniques qui pourraient modifier en profondeur les processus de production, mais nécessite une capacité d'investissement importante de la part des industriels.
Trois points majeurs de cette trajectoires
Le premier point majeur de cette analyse est la réduction de la consommation d'énergie finale de l'industrie papetière d'environ 45 % en 2050 par rapport à 2015, quel que soit le scénario.
Le deuxième point important du rapport concerne l'évolution de la consommation d'électricité. L'amélioration des performances des machines et des pompes permettrait de réduire de 30 % les tirages d'électricité sur le réseau de la filière entre 2015 et 2030, puis à partir de 2030, l'électrification de la filière avec la mise en place de Pac THT (dans les deux scénarios) et des chaudières électriques (dans le scénario 1) intensifieront cette baisse.
Le troisième point clé repose sur la consommation de bois-énergie, déchets de bois et combustible solide
de récupération (CSR). Les nombreuses chaudières bois installées entre 2015 et 2030 devrait augmenter la consommation de cette ressource au sein de la filière et de réduire la consommation de gaz réseau dans les deux scénarios.
Après 2030, la consommation de bois-énergie se stabilise dans le scénario 2 et dans le scénario 1, sa consommation diminue progressivement grâce au déploiement des chaudières électriques et des Pac THT.
Enjeux et défis de la transition
Quel que soit le scénario choisi, plusieurs défis doivent être relevés.
Le recours à la biomasse impose une politique stricte de gestion forestière et de recyclage des fibres. La modernisation des infrastructures représente un coût élevé qui nécessite des soutiens financiers et des incitations réglementaires. Enfin, l'électrification implique une stabilité de l'approvisionnement en électricité bas-carbone.
L'avenir de la filière papier-carton se jouera donc entre ces deux trajectoires, qui reflètent les différents arbitrages possibles entre pragmatisme technologique et innovation de rupture.