La production française de papiers et cartons a progressé de 6,3 % en volume en 2024, selon les données publiées par Copacel, le syndicat professionnel de l'industrie papetière. Ce rebond, qui porte la production nationale à 6,5 millions de tonnes, dépasse la moyenne européenne (+5,2 %), mais ne suffit pas à effacer la forte contraction de 2023 (-13,5 %). En valeur, la progression reste très limitée (+1 %, à 5,7 milliards d'euros), signe d'une pression à la baisse sur les prix de vente.
Fait inédit depuis 20 ans : la production des papiers graphiques en hausse
La croissance enregistrée en 2024 reflète une dynamique différenciée selon les familles de produits.
Les papiers et cartons à usage d'emballage, ainsi que les produits destinés à l'hygiène, confirment leur tendance haussière.
La montée en puissance des emballages en papier et carton s'explique aussi par les exigences réglementaires françaises et européennes, notamment la loi AGEC et le règlement PPWR en discussion. Les propriétés environnementales des matériaux cellulosiques - propriété renouvelable, biodégradabilité, taux de recyclage élevé (80 %) - renforcent leur attractivité, d'autant plus que des avancées techniques permettent d'en améliorer la résistance et les performances barrière. Ces innovations élargissent leur champ d'application en substitution des plastiques à usage unique.
Fait plus inhabituel, les papiers à usages graphiques (bureautique, édition, presse), en déclin depuis deux décennies, ont aussi connu une reprise. Une évolution attribuée notamment à une réaction face à la saturation des usages numériques, dans un contexte de "fatigue digitale" croissante, souligne le syndicat qui rassemble 74 sociétés et représente près de 10 000 salariés.
Quatre freins majeurs à la compétitivité papetière selon Copacel
Malgré cette dynamique, les industriels réunis au sein de Copacel alertent sur une série de facteurs structurels pesant sur leur compétitivité.
Le premier concerne la fiscalité, en particulier la fiscalité dite de production et les redevances environnementales, dont certaines ont augmenté de manière significative. Les prélèvements liés à l'utilisation de l'eau, par exemple, peuvent connaître des hausses atteignant 300 %, selon les cas.
Deuxième contrainte, le coût de l'énergie qui reste un point de tension majeur. La hausse du prix du gaz naturel liquéfié et de l'électricité affecte directement les coûts de production. L'incertitude autour de la fin de l'Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (dispositif ARENH) au 31 décembre 2025, sans mécanisme de remplacement connu à ce jour, alimente les inquiétudes du secteur, qui souligne la nécessité de bénéficier d'un accès compétitif à l'électricité d'origine nucléaire.
À ces enjeux économiques s'ajoutent des contraintes réglementaires de plus en plus fortes. Les industriels dénoncent notamment les difficultés d'application du règlement européen sur la lutte contre la déforestation importée (RDUE), critiqué pour son flou et la lourdeur de sa mise en œuvre.
Enfin, le renouvellement des compétences représente également un défi permanent. Les papetiers peinent à recruter, malgré des métiers qualifiés, bien rémunérés, et en lien avec les préoccupations sociétales telles que l'économie circulaire ou la gestion durable des forêts.
Un contexte international défavorable au secteur
La conjoncture mondiale vient renforcer cette fragilité. La guerre commerciale initiée par les États-Unis, bien que d'impact direct limité (seulement 1 % de la production française est exportée outre-Atlantique), risque d'avoir des répercussions indirectes, notamment sur la demande d'emballages pour les vins et spiritueux, secteurs sensibles aux perturbations des flux internationaux.
Pour Christian Ribeyrolle, président de Copacel, "notre pays a un taux de croissance moindre que celui de l'UE et anémique par rapport aux États-Unis. De surcroît, la guerre commerciale qui démarre bridera l'activité économique". Il appelle les pouvoirs publics à agir rapidement sur les quatre leviers : la pression fiscale, le coût de l'énergie, la complexité réglementaire issue notamment du Pacte vert européen et l'attractivité des métiers industriels.